Au lendemain de l'annonce d'un nouveau paquet de mesures draconiennes pour réduire le déficit public de la Grèce, la grogne sociale enfle et les appels à la grève ou à manifester partent dans tous les sens, tandis que l'opposition unanime rejette le plan du gouvernement Papandréou tout comme les syndicats des employés et les organisations patronales qui craignent avant tout que le pays ne plonge dans une longue et profonde récession.
Vendredi 5 mars, l'Union des fonctionnaires (ADEDY) appelle à un arrêt de travail dans toute la Grèce avec le soutien de la Confédération générale des Travailleurs de Grèce (GSEE) à partir de 12h, en protestation contre le plan d'austérité du gouvernement. L'ADEDY a déjà annoncé une autre grève pour le 16 mars.
A Athènes, le rendez-vous est pris à 13h devant le Parlement, place Syntagma, le jour même du vote en procédure d'urgence du projet de loi afférent, des mesures qualifiées d'anti-sociales et anti-développement par les syndicats.
Par ailleurs, la Fédération des Instituteurs de Grèce a décidé en réunion mercredi une grève de 24h vendredi 5 mars, et appelle à un large rassemblement avec l'ADEDY et la GSEE, alors qu'en réunion extraordinaire depuis jeudi matin la Fédération des Enseignants du secondaire (OLME) a aussi annoncé une grève de 24h vendredi.
Le conseil d'administration de l'Union des Rédacteurs des quotidiens d'Athènes (ESHEA) a décidé de proclamer une grève de 24 heures à l'ANA-MPA, la Radio-télévision publique (ERT) et le Secrétariat général à la Presse et à l'Information, la chaîne de télévision parlementaire (Vouli) et les chaînes de radio et de télévision municipales, exigeant le respect des conventions collectives de travail et le retrait immédiat de la menace d'une réduction des salaires de l'ordre de 7%.
Un arrêt de travail de 2 heures a également été décidé de 10 à 12 heures dans tous les médias.
Une nouvelle grève des pompistes se profile à l'horizon des jours prochains, la décision de leur Fédération devant être connue vraisemblance le 8 mars prochain, pour protester contre l'installation de caisses comptables sans contrôle électronique des livraisons et rendre la profession entre les mains de quelques grandes chaînes seulement de distribution.
Les transports en commun d'Athènes seront en grève pour 24 heures. Des perturbations sont à prévoir à l'aéroport international d'Athènes. Des grèves sont annoncées dans les transports en commun de Thessalonique pour vendredi à partir de midi.
Les employés du fisc seront, eux, en grève lundi et mardi prochains. Les employés territoriaux ont annoncé que le ramassage des ordures ne se fera dans aucune ville durant le week-end.
Jeudi, des militants du Front ouvrier militant (PAME, syndicat proche du parti communiste), ont occupé le ministère de l'Economie, place Syntagma, et placé un énorme panneau sur la façade appelant à une manifestation à 18h "Pour que les mesures ne passent pas".
Une manifestation séparée a eu également lieu jeudi soir à l'appel de l'ADEDY et du SYRIZA (parti de la gauche radicale).
Le gouvernement essuie les tirs de l'opposition
Le gouvernement présentait jeudi en procédure d'urgence du projet de loi portant sur les nouvelles mesures arrêtées la veille.
Le président du groupe parlementaire de la SYRIZA et président de la SYN (gauche radicale), Alexis Tsipras, a dénoncé les mesures du gouvernement comme "injustes, barbares et criminelles", invitant dans une lutte commune tant la direction du KKE (communiste) que les directions des grandes centrales syndicales afin d'y faire obstacle, avertissant que "les prochains jours seront cruciaux pour la société grecque et l'avenir du pays".
S'exprimant dans une conférence de presse jeudi, M. Tsipras a toutefois exprimé l'espoir que "cette politique peut être renversée" et donc ce qu'il a jugé être les "mesures les plus dures qu'a prises un gouvernement depuis le rétablissement de la démocratie" en 1974 et "une tentative d'annuler les conquêtes sociales" depuis cette date.
Pour sa part, la secrétaire générale du KKE, Aleka Papariga, a salué la détermination des Grecs à s'opposer au plan d'austérité du gouvernement et de l'UE, laquelle se manifeste ces jours-ci par de grandes mobilisations dans les rues et sur les lieux de travail, estimant possible leur succès si elles ne s'arrêtent pas.
"Il est très important, a estimé Mme Papariga dans une conférence de presse jeudi, de donner une réponse directe et dynamique aux félicitations de Mme Merkel et aux décisions du premier ministre que les travailleurs soutiennent ces mesures".
Mme Papariga a informé par ailleurs que le KKE demande que le Parlement décide de la suppression définitive des pensions des députés, et qu'une question sera déposée pour la suppression aussi des émoluments des députés participants à des commissions.
Concernant le deuxième grand parti grec, la Nea Dimokratia, (ND, centre-droit) a annoncé qu'elle votera article par article le projet de loi sur le plan d'assainissement des finances publiques.
La ND s'opposera notamment à la hausse de la TVA, des taxes sur les carburants et la réduction du 14e salaire, reconnaissant certes que ce plan aide aux financements de la Grèce, mais n'apporte aucune dynamique de développement.
Le porte-parole du principal parti de l'opposition, M. Panagopoulos, a tiré la sonnette d'alarme si aucune mesure n'est prise pour soutenir les marchés, estimant possible une récession plus grande encore prochainement avec des conséquences tragiques pour tous.
S'il a souligné que la ND [au gouvernement jusqu'en octobre dernier, ndlr] a reconnu une part de sa responsabilité dans la situation actuelle, M. Panagiotopoulos a critiqué le PASOK d'avoir retardé pendant 5 mois les mesures à prendre, rendant ainsi responsable le gouvernement pour son laxisme, ses hésitations, qui ont fait perdre un temps précieux. Il a, enfin, réitéré que le choix des mesures était erroné, et qu'il convenait de donner un "nouveau souffle" aux activités économiques.
Même ton alarmiste sur les conséquences négatives du train des mesures dans les organisations patronales.
La Confédération générale des professionnels, artisans et commerçants de Grèce (GSEBEE) a tiré jeudi la sonnette d'alarme contre le risque de voir la Grèce plonger dans une récession encore plus profonde, suite, souligne-t-elle, aux mesures dures annoncées la veille par le gouvernement, lesquelles amenuisent le revenu des classes salariales les plus faibles.
"Les mesures d'ordre budgétaire annoncée après exigence de nos créditeurs et de l'UE afin que l'Etat puisse emprunter, amenuisent les revenus des classes salariales les plus faibles, avec comme risque apparent que l'économie grecque déjà malade entre dans une récession plus profonde, avec des conséquences dramatiques pour les travailleurs et le secteur privé et les entreprises", souligne la GSEBEE, dénonçant en outre comme "particulièrement inacceptable" la décision de geler les pensions des petits retraités.
"Malheureusement, le modèle de l'UE s'est avéré insuffisant pour les temps difficiles, insuffisant à faire face aux cartels des capitaux spéculatifs. La politique, malheureusement, au sein de l'UE s'est soumise à des intérets économiques incontrôlés. Les marchés exercent une dictature originale contre laquelle sont appelées à réagir de manière coordonnée toutes les forces politiques saines d'Europe", souligne le communiqué.
Le président de la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Athènes (EBEA), Constantin Michalos, a appelé à l'adoption de mesures immédiates en faveur du développement comme le demande le monde des affaires, jugeant que les mesures économiques annoncées vont dans la mauvaise voie.
"Les coupes drastiques des dépenses dans la fonction publique s'imposent, mais pas de la façon dont les opère le gouvernement. Les mesures annoncées aujourd'hui par le gouvernement évoluent malheuresement dans une mauvaise voie et le plus vraisemblable, c'est qu'elles mineront au lieu de renforcer, l'effort d'assainissement budgétaire", a souligné M. Michalos, avertissant qu'en "l'absence en plus de mesures immédiates en faveur du développement, il est certains que ces mesures conduiront à une baisse de la consommation et à une récession profonde prolongée, anéantissant de la sorte les quelconque bienfaits budgétaires qui résulteront, même provisoirement, des dures mesures du gouvernement".
Même prise de position de la part de la Chambre des PME et de l'Artisanat d'Athènes (BEA), qui soutient que les nouvelles mesures portent atteinte, en même temps qu'aux fonctionnaires, surtout aux petites et moyennes entreprises, avertissant que les dimensions sociales de cette affaire seront très graves et que les conséquences des mesures seront immédiates sur le fonctionnement du marché.
Le BEA demande ainsi une mobilisation de l'Etat pour des mesures de développement, l'accélération des actions du Cadre national stratégique de Référence (ESPA) et des mesures qui stimuleront le facteur psychologique sur le marché afin d'atténuer l'impact des mesures restrictives.
Enfin, la sanction des milieux financiers internationaux était mitigée. Malgré les déclarations rassurantes de la Commission européenne, le placement d'un nouveau paquet de cinq milliards d'euros d'obligation du Trésor grec n'a trouvé preneur qu'à un taux de 6,25% malgré une forte demande, puisque l'offre avait été suscrite trois fois. C'est légèrement supérieur au taux payé fin janvier, au lendemain du premier paquet de mesures et du bilan des 100 jours de gouvernement Papandréou. Depuis, deux nouveaux paquets de mesures, de plus en plus dures à supporter par les employés grecs, n'ont pas suffi pour restaurer la confiance de la finance internationale et faire baisser les taux des emprunts de la Grèce.
i-GR/ANA-MPA