C'est par un mix des arguments français et des amendements de l'UE que le premier ministre, Costas Caramanlis, a tenté de se raccrocher au train en marche lancé par Nicolas Sarkozy pour la création d'une Union pour la Méditerranée, que le président français a présenté cette semaine au Conseil européen.
La diplomatie grecque, pas plus que celle des autre pays riverains de la Méditerranée Nord, ne s'est beaucoup fait entendre sur l'initiative du président Sarkozy, qui dès le lendemain de son élection en juin dernier annonçait le projet d'une Union méditerranéenne regroupant l'ensemble des pays du bassin méditerranéen.
Pour Sarkozy et l'inspirateur du projet, le conseiller Henri Guaino, l'Union Méditerranéenne, présentait un double avantage : offrir une alternative à la Turquie, exclue de l'UE, et permettre le retour de la France en Afrique du Nord.
Seule l'Allemagne, soucieuse de la cohésion de l'UE et peu disposée à accepter l'émergence d'un pole concurrent au Sud de l'Europe, a fait comprendre à M. Sarkozy qu'il ne pouvait avoir une Union méditerranéenne sur le modèle de l'Union européenne qui exclurait les autres pays européens, et notamment la Commission.
Soucieux de faire aboutir son projet durant son mandat et de profiter de la présidence prochaine de l'UE par la France, M. Sarkozy a accepté les amendements allemands que l'Union méditerranéenne se rebaptise Union pour la Méditerranée et qu'elle soit réalisée dans le cadre des relations de l'UE avec la rive sud de la Méditerranée.
Se contentant de gérer ses relations avec les pays de la Méditerranée au jour le jour, Athènes était dépourvue de vision prospective sur le bassin méditerranéen, et s'est contentée de suivre les courants. Les conseillers de Mme Bakoyannis au ministère des Affaires étrangères, n'avaient même pas songé que l'union proposée par Sarkozy existait déjà en quelque sorte et qu'un cadre européen existait déjà pour el développement des relations avec les pays méditerranéens ne faisant pas partie de l'UE, c'est-à-dire du «processus de Barcelone», à l'œuvre dès 1995. C'était le sens de l'intervention de la chancelière allemande Angela Merkel, lors de sa rencontre avec le président français début mars à Hanovre, et c'est ainsi que le projet a été présenté jeudi dernier à Bruxelles par Nicolas Sarkozy.
Alors que, dès le début de l'annonce de l'initiative française, plusieurs capitales faisaint part de leur réticences, la Grèce s'est déclarée dès le départ vivement en faveur de l'initiative de la France pour la création d'un Union pour la Méditerranée, "ce que dicte notre position géographique et les relations excellentes que nous conservons avec l'ensemble des pays de la Méditerranée", a affirmé vendredi 14 mars à Bruxelles M. Caramanlis, dans des déclarations après la fin du Sommet de l'UE.
Selon le premier ministre, la Grèce a recherché très tôt à enrichir cette proposition avec ses propres idées afin de contribuer à son élaboration, cette perspective devant renforcer les structures déjà existantes de la coopération euro-méditerranéenne, garantir l'engagement actif de tous les Etats membres et des instances de l'UE, ciblant le développement économique et social, la sécurité et la stabilité, mais aussi la coopération économique dans la région. D'après nos informations, jamais, officiellement, la Grèce n'a fait part d'observations à la France à ce sujet et M. Caramanlis ne fait, ici, qu'adopter le discours officiel de l'Union européenne.
Pour M. Caramanlis, la présentation le jour même au Conseil européen de la proposition française, "reflète les thèses grecques", sauf qu'Athènes ne les a jamais énoncées.
C'est d'ailleurs, mot pour mot, la thèse officielle du Conseil européen que M. Caramanlis ressort lorsque, interrogé plus en détail sur le projet, il souligne que "cette initiative ne devra pas présenter de superpositions de compétences ou se substituer aux formes existantes de coopération telles que le Processus de Barcelone ou la politique de voisinage de l'UE, mais fonctionner de façon à compléter et renforcer".
Or, le point de discorde entre Athènes et Paris est de taille : le gouvernement Caramanlis soutient fermement la candidature de la Turquie à l'UE, la France de Sarkozy ne veut pas en entendre parler. La contrepartie accordée à la Turquie se trouvera dans l'Union pour la Méditerranée, ce qu'en faira un acteur majeur dans la Méditerranée orientale, là où la France se réserverait ce rôle en Méditerranée occidentale. La Grèce deviendrait, dans ce schéma, une entité négligeable, voire un passage "embêtant" sur la route des ports turcs vers les autres ports méditerranéens.
Il fallait en arriver là pour que M. Caramanlis réalise que l'Union pour la Méditerranée impulsée par la France est - amendée par l'Allemagne ou non - destinée d'abord aux pays du Magreb, ainsi demande-t-il qu'il "faudra réussir le développement équilibré de cette initiative à la fois en Méditerranée occidentale et orientale".
C'est du moins cela de gagné ! Mais, dépourvue de politique méditerranéenne et, surtout, sans contre-propositions, la Grèce retrouverait ainsi son rang de "carrefour" dans les Balkans, parmi l'Albanie, la FYROM, la Bulgarie, etc. On ne peut pas dire que le rôle soit très "sexy", mais c'est le prix à payer - ou, pourquoi, tout simplement, ne pas admettre, la conséquence - de l'engagement de la Grèce du côté des Russes pour faire - croit-t-on - contrepoids de la pression américaine. Le jeu de la diplomatie grecque sur l'échiquier régional laisse échapper quelques notes d'amateurisme, mais le pire est que, notre joueur, à s'efforcer d'apparaître le bon élève qui reste dans le rang, il ne se rend pas compte qu'il n'apprend rien du jeu des maîtres !
i-GR