Alors que jeudi commence à Athènes le 12e tour de discussions bilatérales exploratoires sur les problèmes entre la Grèce et la Turquie, le navire scientifique turc "Piri Reis" a entrepris une sortie côtière où, selon diverses informations concordantes, il inclue dans son trajet 25 points à explorer se trouvant à l'intérieur des eaux territoriales grecques. Après interception des signaux radio de la station navale de Smyrne, la Marine grecque a été mise en état d'alerte, a annoncé le Ministère de la Défense Nationale. Toutefois le Ministère des Affaires Etrangères grec tente de minimiser l'importance de l'événement et sa protestation auprès des autorités turques n'a eu lieu qu'au niveau des secrétaires généraux des cabinets ministériels.
On estime que le but d'Ankara est de rappeler ce qu'elle appelle les "zones grises", autrement dit une série d'îlots dont elle conteste la souveraineté grecque, comme ce fut lors de l'incident d'Imia en 1996 qui a failli provoquer un conflit armée après que les Turcs aient débarqué sur l'île.
Il y a deux ans le même navire avait entrepris un programme similaire mais qu'il n'a pas réalisé jusqu'au bout, évitant ainsi in extremis une nouvelle montée de la tension dans la région
A moins que cette fois ce ne soit pour la Turquie une façon de rappeler tout simplement qu'elle est en mesure de nuire à la paix régionale si on ne lui laisse pas les mains libres. Un rappel qui s'adresserait en particulier aux américains qui viennent d'arrêter le week-end dernier 11 soldats des forces spéciales turcs pour activités illégales dans la ville de Sulaimaniya au Nord de l'Irak. Le général turc Hilmi Ozkok a déclaré qu'avec la détention des soldats turcs par les Forces armées des Etats-Unis était la pire crise entre les deux pays et que l'administration américaine aurait beaucoup à faire pour réparer l'honneur de son pays [la Turquie]. La volonté de chantage et la logique du bakchich sont une nouvelle fois manifestes dans le langage des généraux turcs. Les relations turco-américaines sont de toute façon au plus bas depuis que le Parlement turc avait refusé aux Etats-Unis d'utiliser leur pays comme plate-forme pour leur intervention en Irak, en mars dernier.
Ainsi la sortie en mer Egée du "Piri Reis" affichant son intention de manœuvrer dans les eaux grecques pourrait être un rappel du rôle stratégique - fut-il négatif - de la Turquie dans le maintient de la paix dans la région.
Le porte-parole du ministère grec des Affaires étrangères, Panagiotis Beglitis, a indiqué que le gouvernement suit avec une grande attention les recherches du navire océanographique turc et que des démarches de protestation ont été entreprises au niveau des Secrétaires généraux et des directeurs politiques des ministères des Affaires étrangères. M. Beglitis a encore rappelé que les relations établies entre la Grèce et la Turquie permettent de développer des mécanismes et des procédures de communication qui visent à régler les problèmes dès leur apparition et d'éviter ainsi les développements négatifs qui pourraient éventuellement conduire à une crise. Il a également ajouté que des assurances ont été données que les activités du navire se maintiendront dans le cadre des engagements internationaux de la Turquie et dans les eaux internationales de l'Egée. Selon M. Beglitis, le Secrétaire général, M. Ziyal, et le directeur politique du ministère turc des Affaires étrangères, M. Ilkin, auraient assuré qu'il n'y aurait pas de recherches sismiques, mais uniquement des recherches scientifiques sur le fond de mer. La partie turque aurait également assuré vouloir "une étroite coopération avec la partie grecque afin de ne créer aucun problème et de respecter les engagements internationaux de la Turquie."
Le ministre de la Défense, Giannos Papantoniou, interrogé par la presse sur la même question, a affirmé que son ministère et le ministère des Affaires suivent de très près les activités du "Piri Reis". Le ministre délégué aux Affaires étrangères, Tassos Yannitsis, a également exprimé son inquiétude face à une éventuelle tension en Egée "qui ne va dans l'intérêt de personne", a-t-il dit.