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Rachel Suissa : Au secours, ma mère est grecque !

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C'est pas du cinéma
Comment faire d'un cauchemar, le rêve d'un feuilleton

Rachel Suissa

par Athanassios Evanghelou

Comment se débarrasser au mieux de sa maman ? En lui disant "lâche-moi" ou "je t'aime" ? Rachel Suissa choisit de combiner les deux et d'en faire une pièce de café-théâtre : Maman, je t'aime… Post-scriptum : lâche-moi ! Fille de Jan Vassilis, célèbre crooner des nuits grecques à Paris dans les années 70, et de la non moins célèbre Eva Tsolis, reine du gyros, Rachel monte sur scène avec son petit frère Christos Tsolis, pour une comédie burlesque, après quelques jolis succès dans des séries TV.

J'ai bien ris dans Maman, je t'aime... PS : lâche-moi !, mais je n'imaginais pas un instant que quelques jours plus tard je dirais à mon tour, "Eva, ante, parata mas ligo !"1
Et, comme dans la pièce de Rachel, c'était une incantation inutile ! Tout comme maman était présente dans la salle du théâtre, et à l'entrée, à régir tous les détails, elle était finalement présente dans notre interview ! Pour tout vous dire, si elle est restée silencieuse, sans intervenir un seul instant, c'était un exploit autant pour "maman" que pour moi et Rachel. Explications.

Rachel Suissa – Ma mère est grecque. Mais le fait qu'elle soit grecque, c'est une excuse. La générosité, l'hospitalité, le souci pour sa fille… La grécité amplifie tout cela. La Grèce c'est l'excuse de vouloir faire comme en Grèce. En Grèce, on mange du trachana2
, alors au petit déjeuner, elle se croit obligée de me faire manger du trachana. Sauf que ça fait longtemps qu'elle est partie de Grèce. Elle a quitté le pays à 22 ans. J'en connais des filles qui vivent avec leur mère. Je connais la Grèce. Je peux vous assurer que ce n'est pas comme ça. Ce n'est pas comme ma mère.

i-GR – J'allais vous demander "Où l'avez-vous connue", mais, pardon, j'oubliais, que c'est votre mère !

R. S. – (rires) Ses origines sont diverses. Elles changent en permanence. Je me demande si, elle-même, sait d'où elle vient. Si elle prend un taxi, elle finit par se découvrir les mêmes origines que le chauffeur ! D'ailleurs je ne sais même pas quel âge elle a. Mon papou3
était originaire d'Alexandrie. Il était maire de sa commune. Alors, il ne s'était jamais soucié d'enregistrer sa fille. Elle a ainsi été longtemps sans papiers.

i-GR – La pièce que vous jouez au théâtre, c'est donc du théâtre-réalité… Après le reality show à la tv, le tour du théâtre ?

R. S. – Vous savez, au théâtre ou à la télé, d'habitude, on prend un fait de sa vie et on l'exagère. Moi, avec l'histoire de ma mère, je dois au contraire diminuer, atténuer, en permanence.

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Rachel et sa maman Eve

i-GR – C'est terrible, une mère pareille ! Elle est étouffante !

R. S. – C'est sûr que, par moments, j'ai besoin de souffler un peu, mais ce n'est pas de la souffrance. Je la gère. J'ai appris à la gérer. Quand j'étais petite, elle était très envahissante. Maintenant, c'est moi qui l'appelle sans arrêt.

i-GR – Une thérapie via le théâtre ?

R. S. – Pas du tout ! Je suis très bien dans ma peau. Il n'y a pas de message dans la pièce. C'est un jeu entre ma mère et moi, on s'éclate. Pour moi c'est une autodérision, pour elle une déclaration d'amour. Bien sûr qu'elle m'énerve. Mais, ce n'est pas pour dire via le théâtre ce que je n'arrive pas à lui dire autrement. Elle est une excellente matière première pour l'écriture. L'inspiration est souvent sous les yeux, il n'y a pas à aller chercher loin.

i-GR – Vous lui en voulez ?

R. S. – Non ! Même si c'est parfois maladroit, je sais que dans sa tête, c'est pour mon bien ; une forme d'amour. Je ne peux pas lui en vouloir. Puis je sais que, Maman, elle m'écoute.

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i-GR – Rachel, si on parlait un peu de vous, de vos projets…

R. S. – Mon grand projet : faire de la pièce de théâtre une adaptation tv…

i-GR – Vous parlez de "Maman, je t'aime…" Encore, et encore !

R. S. – Bah, oui ! Bien sûr ! Je prépare une adaptation tv de Maman, je t'aime… PS : lâche moi. Une histoire où l’on doit quitter l'île maternelle sans jamais y arriver…

i-GR – Et, à part maman, point de salut ! S'il vous plaît, "Pas de secret entre nous" !

R. S. – (rires) Si, quand même, j'ai d'autres projets. Vous avez vu, donc, "Pas de secret entre nous" ?

i-GR – Non, je regarde rarement la télé. Mais j'ai mené ma petite enquête avant de venir vous voir. 80 épisodes sur la vie des jeunes colocataires, pour M6, l'été 2008. Vous y tenez le rôle de Sharon Nikolaïdis.

R. S. – Après Pas de secret entre nous, j'ai écrit une série Presque célèbres, avec le même réalisateur, Jean-Marc Thérin, un projet pour 24 fois 52 minutes, dont nous avons réalisé un épisode pilote.

Il s'agit de six personnages, six comédiens, qui croient que leur vie va changer à travers une série dans laquelle ils sont appelés à jouer, mais, finalement, pas du tout. C'est une série sur l'envers du décor des séries tv. Une série dans la série. 700 personnes ont assisté à la projection de la première du pilote au Palace ; l'épisode pilote est, par ailleurs, visible en intégralité sur le site de la série : www.presquecelebres.com/

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i-GR – C'est donc en véritable professionnelle que vous menez la promotion du projet.

R. S. – Le but est de créer un buzz sans pour autant se faire des illusions parce que les chaînes de télé sont dans une politique de "no risque". Peut-être qu'elles changeront, un jour, parce qu'elles sont en décalage avec les goûts du public. Ceux qui m'ont dit que le public ne comprendra pas mon histoire, c'étaient surtout les professionnels. Or, le public a très bien réagit lors des projections test.

Les goûts du public ont évolué, les gens fabriquent leurs propres programmes sur le net et la ménagère d'aujourd'hui fume le pétard.

Les chaînes ne veulent pas qu'on parle de l'envers du décor. Elles veulent du consensuel. Moi, je n'aime pas le soap, le mélo. Un sujet, surtout quand il est dramatique, il faut le traiter avec légèreté, avec humour…

Mon inspiration vient des séries américaines. C'est une sorte de Reality show. Pas pour devenir célèbre, mais pour voir la réalité.

i-GR – Vous aimeriez quand même devenir célèbre.

R. S. – La célébrité est une conséquence pour le comédien, résultat de son travail.

i-GR – Vous avez joué même aux côtés de Vincent Cassel !

R. S. – Je l'ai même embrassé ! C'était dans Ennemi public. J'avais un des rôles secondaires, j'étais une des petites amies de Mesrine.

i-GR – Pourtant, vous n'étiez pas partie pour faire carrière de comédienne.

R. S. – En effet, j'étais destinée à faire une prépa HEC. Quoique au Lycée Condorcet j'étais la honte. Mais, depuis toute petite, je faisais du théâtre sans le savoir, je jouais des petits rôles. Au lieu de jouer aux poupées, je jouais avec les identités, aux jeux de rôle.

Mon père était un artiste, il était auteur-compositeur. Un beau jour, mes parents ont divorcé. Du coup, je regardais beaucoup la télé. Les séries faisaient office de nounou. Je voyageais à travers ces histoires.

J'ai perdu mon père à 18 ans, deux semaines avant les épreuves du bac, que j'ai heureusement obtenu. Je suis alors partie à Ténérife, en Espagne. C'est là que j'ai commencé à faire du théâtre sérieusement. J'étais inscrite aux Beaux Arts et je participais à la troupe semi-professionnelle de l'Ecole.

Au retour en France, j’ai suivi des cours de théâtre. Après une série de cours, arrive le projet de fin d'année : je propose Moi, je.., on devait écrire une pièce de 10-15 minutes. Puis, j'ai écrit Ma mère et le psy, un sketch mis en scène par Justine Heynemann. Elle est aujourd'hui mon metteur en scène pour Maman, je t'aime… PS : lâche-moi ! J'ai aussi joué dans une autre pièce de Justine, Rose Bonbon qui a rencontré un grand succès au Festival d'Avignon en 2007. J'ai, ensuite, eu un rôle, petit mais sympa et rigolo, dans Il reste du jambon, d'Anne de Petrini avec Ramzy.

i-GR – C'est maman qui ne vous lâche pas aujourd'hui, mais ce serait injuste si l’on ne disait pas un mot de votre papa, aussi. Dans les nuits grecques de Paris, il tenait un rôle aussi central que le resto de maman tient rue Montmartre avec les sandwiches grecs.

R. S. – D'autant que le QG de ses affaires était à deux pas du restaurant de maman. Jan Vassilis, un pied noir du Maroc. Sa mère était grecque. C'est lui qui m'a donné le goût de l'écriture. On écrivait parfois ensemble ses chansons, les dimanches après-midi.

Il était propriétaire de l'Olympe, minuscule Studio 544
) en France, où les plus grands venaient prendre un verre : Aznavour, Onassis, Hadjidakis, Mercouri, Mouskouri, Vougiouklaki, etc. Mais j'ai peu de souvenirs de cette époque. Mon père a mis le club en gérance quand j'avais quatre ans. Il se consacra ensuite à l'écriture d'un livre qu'il n'a pas achevé. J'espère arriver un jour à le finir. Lui, il voulait que je devienne comédienne !

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Rachel, son frère Christos et leur maman

i-GR – Que reste-t-il de votre relation avec la Grèce aujourd'hui ?

R. S. – Pendant mon adolescence, je me suis sentie très proche de la Grèce. J'y allais souvent. J'avais plus d'affinités avec les Grecs de là-bas qu'avec les Grecs de France qui, je trouve, en font un peu trop. J'ai passé beaucoup de temps à Nea Makri, près de Rafina.

i-GR – Vous y retournez parfois ?

R. S. – Maintenant, il m'arrive d'aller passer des week-ends à Athènes.

i-GR –  Avec maman ?

R. S. – (rires)

i-GR –  Rachel ? Quand est-ce que vous lâchez maman ?

Eva qui a suivi tout l'entretien sans perdre mot, mais sans brocher, ne peut plus se retenir : "Tu vois, tu vois, je te le disais, que ce n’est pas moi qui te lâche pas !", lance-t-elle à Rachel.

  • 1Lâche-nous un pu, Eve
  • 2τραχανάς/trahanas : sorte de soupe paysanne à base d'un mélange desséché de céréales et de lait fermenté
  • 3παπούς/papous : grand-père
  • 4Studio 54 : célèbre Club new-yorkais

Propos recueillis par
Athanassios Evanghelou
Photos i-GR/AE

Maman, je t'aime… PS : lâche-moi ! tous les jeudis à 19h00 jusqu'à fin juin 2010 au Bout Café-théâtre
6 rue Frochot - Paris 9e - Métro: Pigalle.
Voir présentation du spectacle dans l'Agenda

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