Après une semaine de tractations, les chefs des deux grands partis grecs, M. Georges Papandréou, président du PASOK (socialiste) et premier ministre démissionnaire, et M. Antonis Samaras (Nea Dimokratia, centre-droite) se sont enfin accordés en la personne de Loukas Papadimos qui prendra la tête du nouveau gouvernement grec.
Le Président de la République, Carolos Papoulias avait convoqué le Conseil des chefs des partis représentés au parlement, pour annoncer à l'issue de la réunion qu'un accord avait été trouvé sur la personne de Loukas Papadimos.
Né en 1947 à Athènes, Loukas Papadimos a été gouverneur de la Banque de Grèce de 1994 à 2002 avant d'occuper le poste du vice-président de la Banque centrale européenne jusqu'en 2010. Il a fait ses études universitaires au MIT, aux Etats-Unis, où, par ailleurs, il commença sa carrière professionnelle, d'abord comme enseignant, puis comme conseiller de la Banque de la Réserve fédérale.
Le nouveau premier ministre prêtera serment vendredi, alors qu'on attend dans l'après-midi l'annonce de la composition du gouvernement.
La nomination de M. Papaloukas aux fonctions de premier ministre met fin à une semaine de suspens terrible où la Grèce a failli se trouver hors de l'Euro et même hors de l'Union européenne.
La semaine dernière, après trois mois de tractations laborieuses, le sommet européen avait réussi à surmonter le différend franco-allemand sur l'endiguement de la crise des dettes publiques de l'UE. Le règlement de la dette grecque et l'aménagement des conséquences de l'abandon des 50% des créances, détenues notamment par les banques françaises, formaient le principal sujet du sommet des chefs d'Etat européens.
C'est dire que la soudaine annonce du premier ministre grec, à peine rentré du Conseil européen et à la veille du G20 à Cannes, de soumettre à référendum en janvier prochain le nouveau plan de soutien à la Grèce, a été très mal vue des chefs d'Etat européens et par les marchés qui ont manifesté leur mauvaise humeur par un nouveau plongeon des grandes places boursières.
La colère européenne a sonné comme un ultimatum à Athènes avec la chancelière allemande Mme Angela Merkel et le président français M. Nicolas Sarkozy qui ont convoqué M. Papandréou à Cannes lui exigeant une réponse claire et sûre, réunissant le plus large consensus politique possible, sur les intentions de son gouvernement le plus rapidement. Depuis, nous avons assisté à la tentative désespérée de M. Papandréou d'éviter la chute personnelle et celle de son gouvernement.
Une nouvelle donne pour les "tuteurs" de la Grèce
L'intransigeance de M. Samaras, favori des élections anticipées qui auront probablement lieu dans la deuxième quinzaine de février, dans les négociations avec M. Papandréou, avant de céder le terrain qui a permis l'accord, est en un avertissement aux partenaires européens, qu'ils auront un interlocuteur qui ne cédera pas facilement dans les questions de souveraineté nationale. M. Samaras n'a cessé de répéter que si les objectifs imposés par la "troïka" (UE - BCE - FMI) restent valables, les moyens d'y parvenir relèvent d'un choix qui appartient aux politiques grecs.
M. Samaras a, notamment, dénoncé comme "erreur" la politique de prélèvements fiscaux et sociaux qui se sont abattus sur les entreprises et les particuliers, comme moyen d'améliorer les finances publiques grecques, dans la mesure où ces mesures ont fait entrer le pays en récession et abouti au résultat inverse de celui visé.
Le leader de Nea Dimokratia a donné un autre exemple qu'il n'attendait pas se laisser marcher sur les pieds par plus grand que lui en refusant cette semaine de donner un engagement écrit sur son soutien au nouveau plan d'aide de l'Union européenne décidée lors du sommet européen du 26-27 octobre et aux mesures qui l'accompagnent en répondant que sa parole suffisait à Bruxelles et que des telles exigences vont à l'encontre de la dignité nationale.
L'union nationale, une coutume grecque
Malgré l'image de division qui donnent régulièrement les partis politiques grecs, et malgré une… guerre civile (1944 -1949), et sans aller jusqu'aux conflits antiques entre Athènes et Sparte, l'entente nationale est un thème récurrent de la vie politique grecque.
Le nouveau gouvernement dirigé par le banquier M. Papadimos est le troisième gouvernement d'"union nationale" depuis la restauration de la démocratie en 1974.
En novembre 1989, ce fut un autre gouverneur de la banque de Grèce, Xenophon Zolotas, qui prit la tête d'une coalition Pasok, ND et Syn afin de mettre fin à la crise politique qui suivit le scandale Coskotas, du nom d'un homme d'affaires qui connu une ascension fulgurante grâce à ses relations politiques et où le premier ministre d'alors, Andreas Papandréou, père de l'actuel premier ministre sortant, fut accusé de corruption, de recel et de trafic d'influence. Le gouvernement Zolotas a tenu jusqu'en février 1990.
A la chute des colonels qui suivit la déconfiture de leur coup d'Etat contre le président Makarios à Chypre et l'invasion de l'île par la Turquie, en juillet 1974, Constantin Caramanlis, de retour d'exil, forma un gouvernement d'union nationale composé de personnalités politiques de droite et du centre-gauche jusqu'à la tenue des premières élections libres en novembre de la même année.
Quant au premier gouvernement "œcuménique" dans l'histoire de la Grèce moderne, il a été conduit par le héros de l'Insurrection grecque contre les Turcs, l'amiral Constantinos Canaris en 1887 et avait pour mission de préparer le pays en vue de la guerre russo-turque.
Enfin, un autre gouvernement d'union nationale avait été formé par Georges Papandréou, grand-père de l'actuel premier ministre sortant, en 1944 au Caire, et venait prendre la relève du gouvernement en exil ; Athènes était alors sous occupation allemande.
i-GR