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Réponse à La Croix, sur Sèvres et Lausanne

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Submitted by Efthymiou Thomas on
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[i] Messieurs les rédacteurs en chef du journal La Croix,

Lecteur attentif, fidèle abonné, j'ai à me plaindre : dans le numéro du 17 IX 10, p. 2, colonne « Repères », du survol historique, depuis XXe s. de la Turquie.
Petit-fils de Grecs chrétiens orthodoxes de Turquie d'Europe, dont les deux grands-pères sont morts de mort violente (l'un deux ans, l'autre quatre ans après le génocide arménien) je suis profondément déçu et blessé de lire votre « résumé historique ».
Le traité de Sèvres (10 VIII 1920) est dit « dépeçage » (terme que vous avez choisi) des territoires l'actuelle Turquie et fin de l'Empire ottoman. Après la Grande Guerre,  les trois Empires centraux (allemand, austro-hongrois, et ottoman) sont vaincus. Au Congrès de la Paix, à Versailles, les grandes puissances victorieuses alliées (sauf l'américaine) veulent établir leur influence et en recueillir les avantages en Méditerranée orientale.
Vénizélos, représentant la Grèce, se heurte à l'impérialisme italien qui refuse à la Grèce le nord de l'Épire, de population grecque orthodoxe, terre hellénique s'il en fut (que ses armées ont libéré), toujours en Albanie. L'Italie « garde » le Dodécanèse (il ne redeviendra grec qu'après la Deuxième Guerre mondiale). Pourtant, le même jour que le traité de Sèvres, un traité entre l'Italie et la Grèce reconnaissait que l'Italie renonçait à ses « droits » sur l'archipel (sauf l'île de Rhodes, jusqu'à un plébiscite 15 ans après, donnant le choix aux insulaires)
Le traité de Neuilly (27 XI 1919) rend à la Grèce la Thrace occidentale. Le traité de Sèvres (10 VIII 1920) rend la Thrace orientale (province d'origine de mes deux parents), sauf Constantinople ... Ce traité consacre un droit de souveraineté hellénique sur la région de Smyrne: l'Ionie, où naquit notre civilisation, dont la langue, devenue la koïné alexandrine, sera la langue des Septante pour traduire l'Ancien Testament (six siècles avant la Vulgate! ) et diffusera la Bonne Nouvelle christique...). Après cinq ans les Ioniens-Romii (sujets ottomans grecs orthodoxes) choisiraient par plébiscite le rattachement ou non à la Grèce. Les Grecs du Pont, victimes de persécutions génocidaires, ceux de Cappadoce, resteront sujets ottomans avec tous les dangers que cela comporte pour un non-Turc non-Mahométan.
Le traité de Sèvres reconnut l'occupation de la Cilicie par les Français et des régions d'Attalia-Antalya et de Ikonion-Konya par les Italiens. L'énergique et doué père de la Turquie moderne, Kémal Atatürk, dès avril, a promu la défense contre les Grecs. La France et l'Italie (signataires à Sèvres … ) lâchent l'allié grec. Elles négocient avec les Turcs, retirent leurs troupes. La France laisse armes et munitions aux Turcs, sachant pourtant qu'elles serviront contre l'allié d'hier, trahi. La révolution soviétique rappelle les troupes russes du Pont, d'Arménie, du Caucase, terres chrétiennes, peuplées de chrétiens, et laissent elles aussi leur matériel aux Turcs. Kémal ne craint plus la descente russe à Constantinople …
L'armée grecque, au combat depuis 1912, est vaincue en Asie mineure. Elle quitte, vaincue, l'Ionie. Des réfugiés essaient de l'accompagner.
Le 24 VII 1923, le traité de Lausanne, signé par la Turquie, la Grèce et les Alliés abroge celui de Sèvres. L' « échange de populations » qui s'ensuit (sur critère de la religion), déracine l'Hellénisme de toujours de toute l'Asie mineure et de la Thrace: environ 1 500 000 réfugiés.
La Turquie (« laïque » et républicaine) devient un état homogène (quelques minorités sont acceptées à Constantinople, avec le Patriarcat ). Le problème des Kurde, sans patrie, deviendra sanglant par la suite. En 1974, le nord de Chypre est envahi, est toujours occupée, après 36 ans. Sa population orthodoxe grecque (200 000) s'est réfugié au sud. Il y a 30 000 soldats turcs d'occupation. Des squatters d'Asie mineure sont implantés à Chypre.
Ma lettre est longue. Elle dit le regret que le traité de Lausanne soit passé sous silence. Il permet pourtant de comprendre le nationalisme expansionniste turc (Chypre, les Kurdes) et le déracinement du christianisme de son berceau …
Votre omission n'est pas innocente, qui laisse croire au dépeçage « sévrien » de l'Empire ottoman, et passe sous silence le démembrement et l'équarrissage « lausannois » des chrétiens-rayas ottomans …
Je suis déçu et peiné. Je me devais de vous le faire savoir.

PrThomas Efthymiou
Ex-président de la Communauté hellénique de Paris et environs.
[/i]

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el griego

En réponse à par Pascal Olivier

Suite à la défaite de 1922, la Grèce plongea dans une grave crise institutionnelle (république ou royauté) et économique. Elle n'avait pas les infrastructures nécessaires pour faire face à un tel afflux de réfugiés.

A la faveur du coup d'état qui s'en suivit, le roi Constantin I abdiqua et plusieurs membres du gouvernement royalistes furent fusillés.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Proc%C3%A8…

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mar 28/09/2010 - 04:18 Permalien
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Pascal Olivier

En réponse à par alex

"[i]No comment[/i]", en effet, cela nous évitera de manquer de déférence à la représentation de la France en Turquie.

Cela n'empêche pas de lui rafraîchir la mémoire avec quelques dates puisque la "com" de l'ambassade s'enorgueillit de dire qu'avec l'accord d'Angora la France a été le premier pays de l’Entente à signer un accord avec la Grande assemblée nationale de Turquie :

- Traité de Moscou signé le16 mars 1921
- Traité de Kars signé le 13 octobre 1921
- Accord d'Angora signé le 20 octobre 1921

L'accord d'Angora ne fait que reprendre les propositions de la Conférence de Londres (21 février - 12 mars 1921), en pire pour ce qui concerne le sort des minorités en Cilicie (Franklin-Bouillon a été un piètre négociateur).

On peut également dater le lâchage de la Grèce de la Conférence de Londres, les propositions faites aux délégations grecques et turques par Lloyd Georges et refusés par les deux parties enterraient déjà le traité de Sèvres.

Cela n'excuse en rien l'ignominie de l'aide apportée par la suite par l'Italie, la France et la Russie aux kémalistes.

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jeu 30/09/2010 - 14:36 Permalien
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Philippe

En réponse à par el griego

Partir à l'assaut de toute l'Asie Mineure, ce n'est pas ce qui était prévu dans le traité de Sèvres. Les turcs n'avaient alors plus le choix que de résister ou disparaitre. Avec en plus de grosses erreurs stratégiques, une armée grecque puissante mais décapitée, etc.

Désolé, c'est ce que je pense. Ce n'est pas uniquement moi qui le dis, d'ailleurs, il n'y a qu'à lire les conclusions du jugement du procès des six (Wikipedia). Ils ont été exécutés pour cela.
Je ne suis absolument pas pro-turc (Vous le savez, j'espère), mais je ne vois pas comment ne pas considérer que les politiciens et généraux grecs de l'époque ont commis de lourdes erreurs.

Après, on peut toujours mettre le résultat sur le dos des alliés.
Franchement, je peux comprendre qu'ils n'aient pas voulu s'engager dans une nouvelle guerre, juste pour les beaux yeux du gouvernement pro-royaliste grec qui s'était mis en tête de conquérir toute l'Asie Mineure. (Alors qu'il avait promis le contraire lors des élections).

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ven 01/10/2010 - 21:13 Permalien
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Pascal Olivier

En réponse à par Philippe

Il y a sûrement eu des maladresses et des carences à la tête de la Grèce, mais le Procès des six est à mon avis avant tout un exutoire, voire un exorcisme. Il vaut mieux se souvenir du courage dont les grecs ont fait preuve.

Il est vrai que la Grèce aurait aimé un peu plus que le traité de Sèvres comme par exemple la rive européenne de Constantinople. C'était naturel et légitime.

Les alliés de la Grèce exprimaient des réticences, non seulement par souci de prudence et de réalisme, mais aussi parce qu'ils se méfiaient de la toute puissante thalassocratie anglaise qui aurait été la grande bénéficiaire de l'opération. N'oublions pas qu'à Versailles Lloyd George avait refusé à Clemenceau l'anéantissement de la puissance allemande, ce qui coûtera très cher 20 ans plus tard. L'éternelle obsession des puissances maritimes anglo-saxones, jadis l'anglaise aujourd'hui l'américaine, est d'empêcher qu'une puissance continentale comme la France, l'Allemagne ou la Russie puisse prendre de l'ascendant.

Mais les kémalistes ne voulaient pas du tout du traité de Sèvres. Ils n'acceptaient que le seul retour aux frontières de 1913 comme cela fut confirmé lors de la Conférence de Londres (1921). Il ne restait donc comme solution pour faire accepter le traité de Sèvres qu'une victoire totale contre les kémalistes. Ce serait la raison pour laquelle Lloyd George aurait encouragé l'offensive grecque jusqu'en Anatolie centrale. Il fallait encercler les forces turques. Ça a presque réussi.

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dim 03/10/2010 - 20:40 Permalien
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Philippe

Drôle de façon, aprés pas loin de 100 ans, de tenter de réécrire l'histoire. Ca n'a pas de sens. Ce ne sont pas des troufions de base qui ont trinqué pour l'incompétence de leurs suppérieurs, comme en France en 14-18, mais bien les plus hauts responsables grecs de l'époque qui ont mené à la catastrophe. Quand à savoir s'ils méritaient d'être pendus, c'est un autre débat.

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dim 24/10/2010 - 19:59 Permalien