ATHENES, 12 jan 2006 (AFP) -
Pour reposer en paix en Grèce, il vaut mieux appartenir à la majorité orthodoxe, au risque sinon de longues errances posthumes, à la recherche d'un cimetière hospitalier ou d'un crématorium.
"Les discriminations pesant en Grèce sur les non-orthodoxes (environ 2% de la population) se poursuivent jusque dans la mort", dénonce Dédé Abdulhalim, un militant de la minorité musulmane de Thrace, au nord-est du pays.
"Pour un musulman, il n'y a pratiquement aucune chance de se faire enterrer hors de Thrace", seule région à accueillir des cimetières musulmans. Ailleurs "les municipalités trouvent toujours des prétextes, sous l'influence de l'Eglise orthodoxe", non-séparée de l'Etat, affirme-t-il.
Porte-parole de l'Eglise catholique, Nikolaos Gasparakis dénonce également les "fréquentes difficultés auxquelles se heurtent les familles" hors des rares cimetières catholiques du pays. "Et quand une place est trouvée, les popes orthodoxes refusent l'usage des chapelles des cimetières".
"A Athènes, même les orthodoxes ont du mal à trouver une tombe, faute de place. Mais en province il y a un vrai problème au vu du sectarisme des autorités locales", confirme Iannis Ktistakis, de la Ligue grecque des droits de l'Homme.
Pour les quelque 25.000 membres de la minorité grecque musulmane installés dans la capitale, la solution est donc de "louer un taxi, ou une camionnette" pour rallier la Thrace, explique M. Abdulhalim.
Un voyage onéreux de plus de 800 kms, auxquels sont aussi contraints les dizaines de milliers d'immigrés musulmans d'Athènes. "Du coup, certains proches, faute d'argent, déclarent leurs défunts orthodoxes", affirme-t-il.
"La situation est encore pire pour les immigrés que pour les Grecs non-orthodoxes. Il y a quelques années un évêque orthodoxe du Péloponnèse s'était opposé non seulement à l'inhumation mais même à la célébration d'une messe pour un défunt polonais" catholique, relève M. Gasparakis.
Pour ceux choisissant l'incinération, bannie comme sacrilège par l'Eglise orthodoxe, l'odyssée post-mortem entraîne les corps au delà des frontières, généralement en Bulgarie.
Et les tracasseries administratives ne manquent pas: une veuve a ainsi du récemment saisir le médiateur du citoyen pour que la sécurité sociale lui verse le soutien financier prévu pour le décès d'un conjoint. Il lui avait été refusé au motif qu'elle avait fait incinérer et non inhumer son mari.
Face au criant manque de place dans les cimetières de la capitale, et à une mobilisation croissante contre l'emprise du clergé orthodoxe, la crémation pourrait toutefois finir par être autorisée, a récemment indiqué la ministre de l'Education et des Cultes, Marietta Yannakou.
Mais seulement "pour les hétérodoxes" a-t-elle souligné, sans toutefois préciser comment les autorités trieraient le bon grain de l'ivraie.
Au passage, une telle réforme devrait soulager même les fidèles orthodoxes, dont seule une minorité peut s'offrir une concession à perpétuité. Pour les autres le surpeuplement impose que les corps soient exhumés au bout de trois ans, à charge pour la famille de mener à bien l'opération.
"A elle seule cette disposition est prohibitive pour les musulmans croyants, qui refusent l'exhumation, ce qui rend impératif qu'Athènes se dote enfin d'un cimetière musulman, comme les autres capitales européennes", relève M. Abdulhalim.
La promesse a d'ailleurs récemment été lancée, par l'Eglise orthodoxe elle même, qui a annoncé son intention de céder à cette fin un terrain dans la grande banlieue d'Athènes.
La communauté musulmane attend toutefois de juger sur pièce: l'Etat s'était aussi formellement engagée il y à quelques années à enfin doter la ville d'une mosquée, mais le chantier n'a toujours pas débuté.
En réponse à Et la BAGUETTE MAGIQUE?? par ak
Re: Et la BAGUETTE MAGIQUE??
OUi effectivement c deja bien, mais est ce vraiment le role de l'eglise de faire cela ?? C'est plutot a l'etat de gerer cette situation non ??
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