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La veille des élections en France, Eleftherotypia offre une tribune à Le Pen

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Par iNFO-GRECE,

Le journal grec Eleftherotypia, quotidien athénien de gauche sorte de Libération (Paris) la rigueur en moins et une couche de populisme en plus, a accordé une interview au leader de l'extrême droite française Jean-Marie Le Pen publiée dans son édition du jeudi 6 juin, où entre Zidane qui "n'a qu'à rester en Espagne" et une chansonnette en grec, le chef de l'extrême droite française développe en toute complaisance sa traditionnelle image de brave victime.

L'interview a eu lieu au domicile de J.-M. Le Pen à Rueil Malmaison, en banlieue parisienne où le journaliste d'Eleftherotypia Thanassis Tsitas est visiblement tombé sous le charme tour-à-tour de la simplicité de la demeure de Le Pen, de son philhellénisme et de son sens de l'accueil.

Seule concession du journaliste, la reconnaissance que, face à tant de qualités lepenniennes, sa mission était difficile. Un aveu qui a lui seul aurait justifié la non-publication de l'interview. C'est ce que commande la déontologie journalistique surtout sur des sujets aussi délicats comme la politique à la veille d'un affrontement électoral. Parce que ce qui s'y joue ne sont pas les qualités charismatiques des candidats mais le fond des idées. Tous ceux qui ont eu à étudier les Grecs anciens - et le journaliste d'Eleftherotypia a dû avoir sa dose de littérature antique à l'école - savent que de Platon à Aristophane, la manipulation populiste est le pire ennemi de la démocratie. Et, dans le cas de Le Pen, ce n'est même plus le fond des idées qui compte - le débat d'idées fait partie du jeu démocratique - mais la façon dont il compte les mettre en application : l'autoritarisme. En l'occurrence, il ne s'agit pas de censurer Le Pen mais de respecter sa propre distance critique face à son sujet. Dans le contexte politique spécifique qu'est celui de la campagne électorale, toute interview complaisante prend des allures partisanes.

Les journalistes français qui se sont essayé à interviewer Le Pen ont fait l'amère expérience de la difficulté de l'exercice. Les hommes politiques aussi. Y compris le Président de la République française Jacques Chirac a renoncé au traditionnel face-à-face de l'entre deux-tours. Impossible de discuter avec Le Pen. Les marges que le chef de l'extrême droite française laisse à ses interlocuteurs sont étroites : tomber sous son charme de brave mec ou se faire écraser par les insultes les plus ignobles.

Notre journaliste a beau dire à Le Pen qu'il était de la manifestation des étudiants de Thessalonique, quand dans les années 80 le leader du Front National avait visité la ville, ce qu'il reste de l'interview c'est un portrait flatteur de Le Pen qui, entre calembours et politique, nous apprend qu'en 1947, sous la chaleur d'Athènes, il s'est dénudé au sommet de Parthénon en se croyant un instant comme un dieu antique. Exercice qu'il aurait répété au stade d'Olympie pour imiter les sportifs de l'époque. Mais son épouse d'origine grecque, Jany, préfère voir en lui la… Jeanne d'Arc moderne qu'un athlète grec ! C'est vrai que dans un cas comme dans l'autre, il faut faire l'effort d'abstraction du physique de Le Pen pour l'habiller de ces beaux rôles.

Voilà donc pour le style de l'interview. Arrêt sur les détails : "Jany prépare un whisky à Le Pen qui l'embrasse chaleureusement", lui accueille le journaliste chaleureusement l'embrassant chaleureusement à la joue avec des "Geia sou file mou", etc. Le boulevard est alors ouvert pour une promenade dans le jardin où Le Pen pourra exposer ses thèses et corriger son image auprès des lecteurs grecs. Raciste Le Pen ? Il n'y a qu'à voir son épouse à demi-grecque et les épouses de ses cadres suédoises, japonaises… Fasciste Le Pen ? Non, simplement anticommuniste ; témoin ? l'accord de l'Union soviétique avec Hitler en 1939. L'holocauste, un détail de l'histoire ? Le Pen ne souhaite pas répondre, et le journaliste grec ne trouve rien à redire à part rapporter ce qu'il entend. Et ce qu'il entend, c'est Le Pen chantant en grec "kalo sou taxeidi mikri mou xara, antio sterni mou elpida". En français, cela donne "Bon voyage ma petite joie, au revoir mon dernier espoir". Prémonition d'une défaite ? Le journaliste d'Eleftherotypia n'y a pas songé. Le Pen chantant en grec, c'était trop beau pour prêter attention à ce qu'il disait !

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