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Le levier grec de la politique américaine dans les Balkans : jusqu'où un élève fidèle est-il un bon élève ?

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Par iNFO-GRECE,

Avec la visite du ministre des Affaires étrangères grec, M. Georges Papandréou, à la Maison Blanche, la nouvelle administration de George Bush tient à s'assurer que la Grèce demeure un levier de sa politique dans les Balkans. De même que le gouvernement Clinton, le State Department version Bush considère que la Grèce, et plus précisément son ministre des Affaires étrangères Georges Papandréou, joue un rôle capital d'intermédiation pour la politique américaine de Paix dans la région.


La Grèce, après une série d'initiatives improvisées et de réactions désordonnées les premières années qui ont suivi l'écroulement du rideau de fer, cherche aujourd'hui à se refaire une image respectable auprès de l'administration américaine et auprès de ses partenaires européens. Jouissant des bonnes relations de son père Andréas Papandréou aux Etats-Unis ainsi que de son propre réseau puisqu'il y est né et suivi ses études, le fils Georges s'est attaché ces dernières années à être le bon élève de la classe, tout en cherchant à corriger l'image de son père, d'une humeur un peu trop méridionale, et donc imprévisible, mesurée au pragmatisme américain.

Si cette approche n'est pas sans résultats positifs sur la mutation des Balkans vers le modèle occidental, les soubresauts récurrents des violences rappellent que cette Pax americana est somme toutes assez fragile. A peine calmées les ardeurs des extrémistes albanais de l'UCK et avalée la modération imposée au gouvernement de Skopje, l'actualité médiatique se déplace sur le conflit israélo-palestinien qui semble échapper au contrôle de l'oncle Sam. Or, l'Amérique est très sensible à l'agenda médiatique. C'est lui qui fixe les priorités de l'activité du State Department. En dehors de ce qui fait la Une des médias, c'est la politique du statu quo qui prévaut : Chypre, Bosnie, et maintenant Kosovo et Fyrom, pour ne parler que de la région, pataugent tous dans l'oubli de la diplomatie internationale. Le feu de l'incendie est éteint mais les blessés ne sont point guéris, disons plutôt surveillés pour ne plus en venir aux mains. C'est l'équilibre non plus de la terreur mais de l'impuissance. Aucun des belligérants n'a plus la force d'en découdre avec l'autre.

Plus patients, les Européens passent derrière et récoltent la mise ; l'Union Européenne a fini par récupérer l'initiative dans les Balkans et l'ex-Yougoslavie. Il est encore tôt pour parler de triomphe de l'exportation du romantisme ouest-européen, mais la perte d'influence qui en résulte pour les Américains rend plus indispensable encore l'attachement d'alliés nécessiteux dans la région, comme la Grèce et la Turquie, d'autant que Israël a fini par comprendre que sa dépendance exclusive vis-à-vis des Etats-Unis ne lui garantissait plus gain de cause et se tourne de plus en plus vers l'Europe. La Grèce est le pays le plus américanisé de l'Europe, hors mis la Grande Bretagne ; la Turquie, le plus américanisé du Proche Orient hors mis Israël. L'un comme l'autre ne peut maintenir l'équilibre des forces militaires que par un savant dosage de l'aide américaine, directe ou par Otan interposé. Leur entente est essentielle pour les Etats-Unis : d'abord pour éviter l'ouverture d'un nouveau front, ensuite pour canaliser la diplomatie américaine dans la région vers des interlocuteurs pré-sensibilisés. Le rôle de la Grèce et de la Turquie, vu des Etats-Unis, est justement celui-ci : jouer de leur influence sur les autres décideurs régionaux pour préparer les interventions du State Department.

La politique régionale de Georges Papandréou a été exemplaire de ce point de vue : la Grèce n'a pas fait de vagues lors des dernières crises chez ses voisins ; dans les relations greco-turques, la politique du rapprochement par petits pas pour "édifier la confiance a été suivie à la lettre ; sur Chypre, on s'est montré compréhensif des blocages successifs des négociations par la partie turco-chypriote. Résultat : la Grèce est devenue un interlocuteur sinon respectable du moins fréquentable sur la scène internationale. Et, de nouveau, fiable.

Reste que sur le plan intérieur, la politique de l'élève fidèle et obéissant est de moins en moins comprise, à droite comme à gauche, dans la mesure où la pression américaine sur la Grèce est inflexible et souvent humiliante, notamment les rappels à l'ordre sur la lutte antiterroriste, sans pour autant que les Grecs perçoivent une égalité de traitement avec leur rival - du moins au sein de l'Otan, la Turquie. Les condamnations américaines de la politique turque restent inaudibles ou inexistantes, qu'il s'agisse des manquements quant au respect des droits de l'homme, du sabotage systématique des négociations sur Chypre, du soutien aux groupes musulmans armés des Balkans ou des menaces répétées sur la mer Egée et ses îles. Et ce n'est pas seulement les Grecs qui ne comprennent plus la finalité de la politique étrangère de leur gouvernement, mais aussi leurs voisins qui soupçonnent la Grèce d'être un sous-marin de la politique américaine. Ce qui n'est pas forcement pour leur déplaire, tant est grand leur besoin de reconnaissance par "l'hyper-puissance".

Mais le ministre des affaires étrangères grec s'il est un élève fidèle devant le professeur américain, est-il toujours bon élève devant son jury électoral ? Voilà une question que les officiers du State Department ont dû certainement se poser ! Il n'y a pas qu'aux Etats-Unis que les gouvernements changent… Mais heureusement pour l'Amérique, la dépendance de la Grèce fait que quel que soit le ministre des Affaires étrangères, il est fort à parier que, dans ses relations avec le "planétarchès", il rivalisera de fidélité avec son prédécesseur. Sauf qu'un élève fidèle, n'est pas forcement un bon élève. A en juger par le nombre de conflits dans la région des Balkans et du Proche Orient, suspendus certes mais toujours pas résolus, la fidélité grecque (ou même turque) n'est pas vraiment un gage d'efficacité de l'action américaine dans la région. L'Amérique aurait-elle oublié qu'un homme libre est plus utile qu'un esclave servile ? Ce principe n'est-il pas aussi valable au niveau des nations ?

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