Quand il entend parler des réfugiés qui traversent la Méditerranée, Bashir Tag hoche la tête avec tristesse. «Je sais ce qu'ils endurent. Ces périples sont très dangereux», expliquait-il quelques jours avant qu'on apprenne le naufrage probable de 700 migrants partis de Libye. Devant un gobelet de café, il avait alors évoqué son propre parcours. Depuis Juba, au Soudan du Sud, jusqu'à ce hameau, presque un bidonville, baptisé «Richmond Village», et d'où l'on devine au loin la Méditerranée, devenue espoir pour les uns et cimetière pour les autres.
Bashir, lui, a embarqué au Liban, avec l'espoir de rejoindre l'Italie, en compagnie d'un groupe de 74 migrants. Mais comme une histoire qui se répète sans cesse, le bateau défectueux et trop chargé tombe soudain en panne et prend l'eau. Dans la panique, les migrants mettent le cap sur une terre inconnue qui se profile à l'horizon. «Où sommes-nous ?» demande Bashir aux hommes qui les attendent sur la plage. «A Chypre», lui répondent ces derniers, vêtus de l'uniforme de l'armée britannique. Cette réplique, Bashir et ses compagnons d'infortune se la répètent sans cesse depuis… dix-sept ans.
Deux...