Du blues selon Manthoulis : replay irrésistible

Un cinéaste grec installé à Paris filmant le blues américain… Pour nouveau que cela sonne aux plus jeunes, ce ne l'est pas vraiment. Le Blues entre les dents, c'est le titre du film, date de 1973 et son retour en salle se fait à l'occasion du tirage d'une copie neuve. Mais peu importe, l'occasion est là, et elle n'est pas à manquer. La simple histoire d'amour et de misère d'un jeune couple du ghetto de Harlem, ouvre la voie à Romviros Manthoulis au tournage avec les plus grands du jazz noir : B. B. King, Mance Lipscomb, Robert Pete Williams, Roosevelt Sykes… C'est la manière d'un cinéaste grec engagé de nous parler de l'enfer quotidien de la condition noire aux Etats-Unis.

Sorti en 1973, le film avait été encensé par la critique. Sélection Officielle, Festival de Londres, nommé pour le Prix du "Meilleur Film de l'Année" par la Critique Bruxelloise, les critiques n'avaient pas tari d'éloges. "Les vétérans du blues pourrissent à l'ombre des ghettos et - ainsi que Felini pour les Clowns - Manthoulis est allé recueillir leurs derniers soupirs", écrivait dans le Point, Jacques Loew, tandis que pour Jacques Siclier du Monde "ce film rigoureux tient par un regard, un ton, une sensibilité déchirante". De son côté, George Melly de l'Observer londonien s'exaltait devant "les monologues de l'étonnante Amelia Cortez, qui joue la mère du jeune antihéros, inspirée de ses propres expériences, [m'ont] ému plus que tout autre chose que [j'ai] vue ou écoutée à Cannes cette année".

Le film raconte l'histoire de Freddy et Hattie, un jeune couple de Noirs, vivant dans Harlem chez la mère de Freddy, une étonnante pianiste de blues des années 30. une "autofiction", déchirante et drôle comme le blues, racontée et reconstituée par ceux qu'ils l'on vécue dans la réalité. Leur histoire, que l'on retrouve dans la plupart du blues sous une forme ou une autre, est ponctuée de perles de "blues vécus" de bluesmen légendaires, des cris de joie et de douleur qui chantent "entre les dents" la trajectoire et l'âme profonde d'un peuple issu de l'esclavage et qui est passé du Sud aux ghettos et aux prisons des années 60. Le tournage a eu lieu dans le Sud comme dans le Nord, à New York, à Chicago, à San Francisco, à la Nouvelle Orléans, à Bâton Rouge ou dans les pénitenciers du Texas. Une histoire qui nous changera durant 90 minutes de nos TV réalités préfabriqués dans les studios et faites pour être consommées vautrés dans notre salon.