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Communautés grecques : la reforme impossible

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By iNFO-GRECE,

A lire les programmes des différentes formations qui ce dimanche postuleront à l'administration de la Communauté hellénique de Paris, et pour peu qu'on connaisse la passion qui anime les militants de chaque groupe, on ne peut que s'étonner de la banalité des problèmes énumérés : trouver la meilleure date pour l'organisation du bal annuel, la désaffection de la jeunesse, quelques milliers d'euros qui manquent à l'appel pour payer le loyer des écoles, des activités culturelles au ralenti, rien que du très commun et ordinaire à toute association paroissiale… rien en tout cas qui justifie l'excitation partisane de ceux qui, tous les quatre ans, sollicitent les Grecs de Paris pour leur accorder confiance et les permettre de gouverner notre petite communauté.

C'est que les enjeux sont tout autres, qui dépassent les problèmes matériels qui viennent d'être énumérés. Ce n'est un secret pour personne que, derrière les listes des candidats aux appellations synonymiques sans couleur et sans odeur, ce sont les partis politiques qui se livrent la bataille pour le contrôle de la communauté, du moins ce qu'il en reste. Droite/ND, gauche réformatrice/PASOK, et gauche communiste. Tout ça pour ça, me diriez-vous. Eh oui !

Et, des affrontements qui, il y a huit ans, avaient déjà value une mise sous tutelle judiciaire de la Communauté. Heureusement que, depuis, la voie de la réconciliation a été trouvée ; du moins en apparence. Malheureusement aussi, car au fond, rien n'a changé. Ceux qui ont animé les conflits du passé, si on ne les trouve plus en tête d'affiche, ils n'ont pas pour autant quitté la distribution. Ceux en revanche qui, depuis la reprise des activités de la Communauté, se sont dévoués - corps et âme, pourrait-on dire - à servir la communauté, quittent ou ont déjà quitté la scène.

Les manœuvres se sont accélérées depuis deux mois, les appareils (des partis) se sont mis en marche en coulisses, avec les apparatchiks à faire et défaire les scénarios et les combinaisons gagnantes au fur et à mesure des recrutements et des alliances.

Rien de bien nouveau, rien de proprement parisien non plus. Car la situation est à peu près la même, voir pire. Il faudrait croire que, où que nous nous trouvions dès que le nombre des familles dépasse la centaine, nous ne sommes plus en mesure de nous entendre - au propre comme au figuré - et que les passions politiques l'emportent aussitôt sur la raison politique.

En France, en Belgique, en Allemagne ou en Amérique, et même dans la lointaine Australie, l'observateur fera le même constat, recevra un seul écho "dichonoia", discorde. Il y a même des villes où l'on trouve deux communautés. Une pour chaque camp. A Paris, il y a suffisamment de sièges au conseil d'administration pour que chacun puisse espérer y trouver une place : 21 3 pour la commission de contrôle financier, 24 ! Autant que de ministères dans un gouvernement. Les 4 listes se présentant aux élections de ce dimanche totalisent ainsi une centaine de candidats pour à peine plus de 1000 familles membres de la communauté. Autant dire que chacun famille y a le sien.

Pas étonnant alors que la communauté devienne ingouvernable. Quoique… Puisque à peine la moitié des membres du CA sont présents dans les réunions… et que les minoritaires, pour peu qu'ils n'arrivent pas à imposer leur point de vue, déclarent forfait et… n'y remettent plus les pieds ! Leurs supporters non plus d'ailleurs. Ainsi trouver une cinquantaine d'adhérents pour tenir une assemblée ordinaire en respectant le quorum devient un parcours du combattant où même convaincre les plus fidèles devient une tâche ardue.

Il faut bien se rendre compte que la "communauté" est devenu un club fermé, et un club de retraités - tous reconnaissant le peu d'attrait que ces institutions ont pour les plus jeunes. Or, ce n'est pas tout à fait la jeunesse qui s'éloigne mais la grécité telle que forgée dans l'immigration qui se délite, du moins dans les pays européens. Transports et élévation du niveau de vie aidant, chacun peu prendre son bain grec au moins une fois par an et faire le plein de grécité pour l'hiver. Et pourquoi pas, si c'était suffisant. Or la grécité ne peut se réduire à la grand-mère grecque, à l'ouzo et la partie de tavli. Avec une fréquentation de l'église orthodoxe réservée à quelques grandes fêtes annuelles et aux offices... mortuaires (pour les baptêmes et les mariages on migre les plus souvent en Grèce), une communauté manquant de représentativité et de reconnaissance, des écoles de langue devenues une corvée pour les enfants de deuxième génération, ce sont tous les repères symboliques qui s'affaiblissent. Même si les Grecs de l'étranger se reconnaissent plus volontiers dans le terme de "métèque" que dans celui d'"immigré", ils ne peuvent continuer dans le déni de leur condition et à négliger leur histoire propre.

Ne nous posons pas la question de ce qui ont fait les formations politiques qui se disputent le "pouvoir" de la communauté. Ni les néo-démocrates (conservateurs), ni les pasoktzidès (socialistes) n'ont radicalement changé la donne, quant aux koukouèdes (communistes) et leurs diverses variantes, ils n'aspirent qu'à faire de la communauté une association culturelle et un centre de débats sur la politique… française et internationale ! Ce n'est pas un débat sur la condition des Palestiniens, ni une déclaration de solidarité avec les grévistes de la SNCF, qui vont ramener les Grecs à la communauté… Quant à l'action culturelle, elle est réalisé de façon beaucoup plus efficace et diversifiée par les associations privées, de danse, de théâtre, de langue, que par un hypothétique coordinateur, communautaire certes mais dont l'hégémonisme ne fera jamais ni l'unanimité ni l'unité. A quoi pourrait bien servir alors la communauté ? Quand on vous disait que ce n'étaient pas les jeunes qui subissaient une crise d'identité, mais la Communauté…

Mais le plus désolant est que, même sur les questions pratiques, elle s'avère impuissante. Alors que l'alliance droite-centre-gauche avait, non seulement la majorité au dernier conseil d'administration de la Communauté mais aussi ses entrées dans le gouvernement de Nea Dimokratia à Athènes, elle ne parvient pas à trouver quelques milliers (moins de 10 !) d'euros, laissant s'éterniser une question de loyer des écoles avec toutes les conséquences sur l'image et la crédibilité de la communauté auprès des instances françaises. Certes ce n'était pas mieux avec le précédent bureau dominé par une gauche indépendante mais qui ne manquait pas de relations non plus dans le gouvernement socialiste (PASOK) de l'époque.

Restrictions budgétaires vous répondra-t-on, comme on nous avait aussi répondu à iNFO-GRECE quand il y a trois ans nous avions crié au secours pour éviter que ce site ne disparaisse. En vain. Malgré les promesses et les déclarations de bonnes intentions. La belle vie continue sous Caramanlis, comme sous Simitis. Impossible de trouver ces euros pour les écoles grecques de Paris quand le ministre des Affaires étrangères fait déménager et aménager tout son staff (une cinquantaine de personnes) dans les plus grands hôtels de New York, quinze jours durant, sous prétexte de présidence du Conseil de Sécurité de l'ONU ? Et que, trois mois plus tard, c'est le ministre délégué aux Grecs de l'étranger qui s'offre une tournée de quinze jours dans tous les Etats-Unis et le Canada ?

Il est vrai que ce dernier avait ses raisons. Les contacts avec la communauté grecoaméricaine, sous-entendez le "lobby", qui prépare la succession en décembre du président mondial (sic) au Conseil des Grecs de l'Etranger (Symvoulio apodimou ellinismou), l'instance suprême, mais pas plus représentative au niveau mondial des Grecs de l'étranger que ne l'est notre petite communauté des Grecs de Paris. Et un lobby qui tient sa force et son titre, pas tant par son influence réelle aux Etats-Unis que par le fait qu'il permet à chaque politicien athénien de s'afficher à ses côtés et faire croire qu'il dispose des puissants leviers auprès des Grecs de l'étranger. Or, tant qu'à faire, autant s'assurer que les dirigeants des communautés seront sur la photo avec le sourire. Voilà pourquoi le contrôle des communautés devient essentiel pour les appareils politiques. Voilà comment circulent les images sur la grandeur de la Grèce à l'étranger. Images trompeuses, mais images quand même.

Seule une reforme radicale des institutions des Grecs de l'étranger serait susceptible de conduire leurs communautés à une autonomie d'action et les permettre de se forger un destin propre, conditions indispensable à la restauration de leur crédibilité et de leur représentativité. Pour cela il faut leur doter d'un statut juridique propre, alors qu'actuellement, en tant qu'associations 1901 (dans le cas français) rien d'autre à part la coutume et leur passé ne différencie en droit d'une association socioculturelle quelconque qui aurait la Grèce pour objet. Mais pour cela la volonté d'Athènes ne suffirait pas. Il faudrait que les Grecs de l'étranger coupent de leur côté le cordon ombilical qui les relie à la mythique mère patrie. En sont-ils prêts ? En tout cas, c'est en coupant le cordon que les enfants grandissent et deviennent membres responsables de la famille. Cela ne nuit en rien ni les intérêts ni les valeurs de leur famille, bien au contraire.

i-GR/AE

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