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Le dindon malade était farceur ! Alaloum autour de la grippe fantôme des poulaillers grecs

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By iNFO-GRECE,

Ne cherchez pas dans le dictionnaire une explication du mot "alaloum" ; entre confusion et pagaille, c'est ce qu'on va utiliser le plus souvent en Grèce pour qualifier la situation qui règne en ce moment dans le pays avec le cas de grippe aviaire qui, à défaut de contaminer les poulaillers, a bien infecté les sphères politiques et médiatiques, et pas qu'en Grèce. Un virus détecté sur un dindon en début de semaine, mais, farceur comme il se doit, ce dernier disparaît par la suite ; des avis de laboratoires et d'experts qui se télescopent ; et, comble d'irresponsabilité politique, un ministre qui pour rassurer les autres dindons qui n'en croient pas leur petit écran, s'affiche mangeant du… poulet ! Que du bonheur pour tout amateur de tragicomédies.


Le procureur de la Cour de Cassation, Dimitris Linos, a ordonné mercredi au ministère public de Thessalonique l'ouverture d'une enquête préliminaire sur le bruit crée dans les medias en ce qui concerne le seul prélèvement testé positif sur une dinde de Chios. Enquête sur le bruit ? Il est vrai qu'après 10 heures il faut se taire, mais auparavant il est même permis d'en rajouter d'autant que ce sont les autorités que font le boucan en se traînant casserole après casserole.

grippe aviaire press


Et maintenant, qui va payer la casse ? s'interroge Eleftherotypia. Une casse qu'Ethnos, autre quotidien athénien, évalue à 5 millions d'euros de pertes pour les éleveurs grecs.

Une semaine plutôt, l'Europe découvre la grippe aviaire frappant à ses portes. Des cas confirmés sont annoncés dans l'Est turc et en Roumanie. Lundi midi, alors que les résultats négatifs des tests sur les échantillons d'oiseaux migrateurs de la région d'Evros (frontière terrestre Nord-Est avec la Turquie où huit oiseaux avaient été ramassés morts) étaient diffusés à Thessalonique, à Athènes, l'annonce, puis la confirmation par le ministre du Développement agricole, d'un cas suspect détecté sur l'îlot d'Oinousai, face à Chios (Est de la mer Egée), mettait le feu sur une traînée de poudre sans autre terminus défini que les couvertures de la presse quotidienne et les "éditions spéciales" des chaînes TV.

"Le principe de précaution, on ne connaît pas ici ! A vouloir exorciser la panique, on oublie que la peur a des vertus salvatrices."

Curieux ! L'Etat grec ne s'était pas encore remis de l'arrivée du virus chez ses voisins turcs et roumains, et avant bien même qu'il ne commence à distribuer ses instructions de vigilance aux frontières, le paysan d'un îlot isolé ayant constaté des symptômes curieux chez ses dindons prend l'initiative de s'adresser aux autorités vétérinaires. Un laboratoire athénien (officiel) examine les prélèvements et y trouve des traces d'anticorps du virus H5. Dans la presse locale où chacun est à l'affût de la moindre rumeur pouvant faire sensation à la Une, personne n'a vent du cas avant que le laboratoire n'annonce ses résultats. Depuis, curieux, journalistes, politiques, vétérinaires grecs et experts européens défilent dans la ferme, mais l'échantillon incriminé comme son dindon sont introuvables.

"Les mêmes ministres européens et leurs experts qui depuis des semaines communiquent tous azimuts pour annoncer les mesures prises ou à prendre en vue d'une pandémie qu'ils pensent imminente et redoutable, viennent annoncer que la crainte d'une pandémie n'est qu'un effet de communication !"

Alors que la confusion s'installait entre proclamations précipitées des résultats des tests préliminaires et attente des test définitifs, que les dates des prochains rendez-vous d'information se télescopaient entre laboratoires athéniens, thessaloniciens et européens, et que les Grecs perdaient leur… latin devant le défilé des experts de toute sorte devant les "fenêtres" du petit écran, les fameux "parathyrakia", pour rassurer l'opinion publique le ministre de la Santé se rend à Chios et devant caméras et photographes s'offre un repas à base de poulet, officiellement interdit d'exportation par l'Union européenne, dans le cadre des mesures préventives. Le principe de précaution, on ne connaît pas ici ! A vouloir exorciser la panique, on oublie que la peur a des vertus salvatrices. C'est que l'affaire, sur les plateaux de la télévision, commence à prendre des dimensions politiques, laissant la question sanitaire aux… poulaillers.


Comble de l'irresponsabilité, alors qu'on annonçait la mise en quarantaine de l'îlot et l'arrêt des exportations des volailles de la région, le ministre de la Santé pour rassurer l'opinion publique s'offre sur place un repas à base de poulet local.

Exit, donc, les avertissements des organismes internationaux de la Santé, de l'OMS à l'UE, le professeur en médecine vétérinaire, Prodromos Iordanidis, minimise la gravité de la grippe, citant les "seulement" 60 morts depuis le début de l'épizootie en Asie du Sud-Est. Le secrétaire d'Etat à la Santé, Georges Constantopoulos, en rajoutait hier à la sortie du Conseil des ministres européens, déclarant à la presse que "les ministres de l'UE et les experts qui les accompagnaient ont estimé que le danger d'une pandémie est pratiquement nul", ajoutant aussi que les ministres avaient convenu que la panique provoquée par la grippe aviaire relevait d'un problème de communication.

Les mêmes ministres européens et leurs experts qui depuis des semaines communiquent tous azimuts pour annoncer les mesures prises ou à prendre en vue d'une pandémie qu'ils pensent imminente et redoutable, viennent annoncer que la crainte d'une pandémie n'est qu'un effet de communication ! A quoi servent alors les énormes commandes de médicaments et toute la mobilisation, si les risques sont "pratiquement nuls" ? Le laboratoire Roche, propriétaire du brevet de "Tamiflu", supposé protéger contre la grippe aviaire, annonce une augmentation de 263% de ses ventes et un demi milliard d'euros de ventes.

Les échantillons testés positifs dans le laboratoire d'Athènes sont depuis introuvables et ce sont des échantillons des voisins du dindon malade qui prennent la route de Thessalonique et de Londres, où se trouvent respectivement les laboratoires vétérinaires grecs et européens. Le porte-parole du gouvernement explique à Athènes, que le sang ayant servi aux premiers test "a été épuisé" dans les nombreux essais du labo athénien. Donc, il n'y en a plus pour effectuer des tests de vérification. Ceci ne serait point grave pour les experts puisque, la grippe étant réputée pour son haut degré de contamination, la volaille voisine aurait dû être aussi infectée.

"Le ministre du Développement agricole est placé en... quarantaine médiatique. "Tout le gouvernement court derrière une dinde", ironise l'opposition. Mais le fond du problème c'est que la dinde court toujours."

Sauf que ces tests complémentaires s'avèrent négatifs, rendant du coup impératif de retrouver le dindon farceur. La centaine de poules, poulets, pigeons, dindes et autres bestioles de la famille, annoncés morts un peu plus au sud de Chios, à Kalymnos et à Rhodes, ne contribuent pas à rassurer. On apprendra par la suite que le chiffre des carcasses annoncé totalise en effet les oiseaux trouvés morts depuis début septembre et "les autorités" annoncent qu'il s'agit d'un "phénomène habituel à pareille époque".

Sur le continent, alors que des queues de retraités se forment pour la vaccination devant les dispensaires de la Sécurité sociale, le ministre du Développement agricole, Evanghelos Bassiakos, considéré responsable de la gestion chaotique de l'affaire des échantillons disparus, est mis en... quarantaine. Tout en restant au gouvernement, il lui est conseillé d'éviter le contact avec les médias. "Tout le gouvernement court derrière une dinde", ironise l'opposition. Mais le fond du problème est que la dinde, elle, morte ou vive, court toujours…

Trêve de plaisanterie. Derrière "l'affaire médiatique", des nombreuses questions restent sans réponse. Si un cas suspect a été effectivement détecté dans le poulailler d'Oinousai sans que les colocataires de ce diable de dindon soient contaminés, des deux choses l'une : soit le laboratoire d'Athènes s'est planté en annonçant précipitamment des résultats erronés, c'est la réponse vers laquelle on s'achemine, mais elle ne résoudra pas le problème ; soit, si l'on revient au début de l'histoire, – une hypothèse pas encore évoquée - le dindon malade ne provenait pas du poulailler. Et là, ce serait une sacré farce où le pauvre dindon n'y serait pour rien. Mais qui serait le farceur ?

Après, ce cas grec du virus fantôme, une chose demeure néanmoins certaine pour l'instant : c'est que la traçabilité des échantillons fournis aux laboratoires n'est pas garantie. Et deux, la fiabilité des laboratoires n'est pas… fiable. Donc, Messieurs les ministres, il y a vraiment de quoi avoir peur.

i-GR/AE

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