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Makarios, un terroriste !

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By iNFO-GRECE,

"Au Kenya, nous autres Britanniques avons parlé à la fin avec Kenyatta et ses " terroristes " ; à Chypre, nous avons discuté avec Makarios ; en Irlande du Nord avec l'IRA, et aujourd'hui deux ministres de Sinn Féin siègent au gouvernement de Belfast". Voilà comment commence l'interview de Robert Fisk, journaliste à The Independent à Londres et spécialiste du Moyen-Orient dans ce journal. Makarios, l'IRA et les fous de l'Islam dans le même panier ! Les propos sont recueillis par Peter Avis et publiés dans l'Humanité(1), quotidien communiste édité à Paris.

Voilà donc l'ex-Président de Chypre Makarios et héros de l'indépendance de l'île, sous occupation britannique de 1878 à 1959, assimilé aux extrémistes de l'IRA et du Kenya, et conjecturalement - puisque le propos du journaliste est d'expliquer les attentats de New York - aux terroristes afghans !

Chypre avait été cédée par le sultan à la couronne d'Angleterre lors de la convention de Berlin le 4 juin 1878 en échange d'une promesse de soutien à la défense de l'Empire Ottoman conte l'attaque russe. C'est ainsi que la Grande Bretagne voyait l'Europe au moment où le reste du continent et les Balkans étaient en lutte pour se débarrasser de l'Empire des Ottomans qui depuis quatre siècles avait jeté son ombre sur la moitié de l'Europe.

Les chypriotes grecs avaient au départ accueilli avec soulagement les britanniques dans l'espoir de sortir de la misère et de l'oppression turque et d'accéder à la libération nationale par la voie démocratique. Mais les grecs ont vite perdu leurs illusions : exclus de l'administration civile, ils devaient s'acquitter des lourdes taxes nécessaires à la Couronne pour payer au Sultan les droits de concession de l'île.

Le journaliste de The Independant, apparemment, n'a toujours pas digéré la sortie de l'île du giron de sa couronne. Et ce malgré - ou en dépit - d'un propos qui se veut anticolonialiste. En effet, Robert Fisk essaie d'expliquer que les atroces attentats de mardi dernier sont du même ordre que les luttes de libération ou les mouvements anticolonialistes. Il s'agit d'une lutte contre l'impérialisme, cette fois-ci, américain.

"Pourquoi nous n'avons pas employé de tels termes au sujet de nos sanctions qui ont détruit peut-être les vies de 500 000 enfants en Irak, pourquoi nous ne nous sommes pas enragés au sujet des 17 000 civils tués pendant l'invasion du Liban par Israël en 1982", s'interroge-t-il devant l'indignation internationale soulevée par les attentats les Etats-Unis. L'injustice d'une guerre - car il n'y a pas de guerre juste - est, ici, du même ordre que les injustices du terrorisme. Voilà la leçon que veut nous donner M. Fisk Et si nous voulons le suivre plus loin, nous apprendrons que c'est la guerre d'une "théologie contre la technologie, d'un commando suicide contre la puissance nucléaire".

Les terroristes auraient-ils donc raison ? N'est ce pas plus noble - et tant qu'à faire plus juste - de se battre pour les idées - fussent-elles celle de l'islam extrême - que de se battre pour les intérêts de Microsoft et autres symboles du capitalisme occidental ? Voilà le raccourci sous-jacent de M. Fisk complaisamment repris par le quotidien communiste français.

Ne voir dans la symbolique de l'attaque que la lutte d'un David contre un Goliath, voilà qui est bien réducteur ; ne voir en l'Amérique que le symbole de la technologie moderne, voilà que c'est ignorer tout des enjeux géopolitiques. Comment croire que les attentats des fous de l'Islam visaient un symbole technologique et non pas le symbole des options politiques - de démocratie et de liberté d'expression - de l'Occident. Et si bien tel était le cas, les attentats n'en seraient qu'encore plus atroces, encore plus "gratuits".

Une gratuité que M. Fisk refuse d'admettre en nous invitant à résoudre les problèmes sur lesquels s'est développé le terrorisme arabo-islamique ; autrement dit que pour qu'il n'y ait plus d'actes terroristes, éliminons ce qui est susceptible de mécontenter les terroristes. Elémentaire mon Watson ! "Si nous nous ne résolvons pas ces problèmes-là, les atrocités telles que celles de New York et de Washington ne vont pas cesser", nous prévient le journaliste anglais. Il faut donc négocier : voilà comment Makarios est mêlé dans l'affaire ; négocier comme l'Angleterre l'a fait avec Chypre, avec l'IRA etc. La boucle est bouclée.

La folie des islamistes après avoir fait sa démonstration de violence aveugle avec la série des attentats contre les Etats-Unis, fait perdre raison à certains éditorialistes occidentaux en mal d'explication rationnelle de ce qui vient de se passer à New York. C'est l'autre risque de l'opération : la contamination idéologique et la confusion entre actes de guerre et actes de terrorisme.

L'injustice des rapports de force, l'injustice de la guerre même, peut-elle être invoquée pour établir l'équivalence et "comprendre" l'injustice imposée du terrorisme? Les terroristes ont transformé les avions civils de l'Amérique en armes militaires contre elle-même, le risque est qu'ils transforment aussi nos idéaux humanitaires en bombe idéologiques contre l'Occident : sous couvert de l'universalité de l'homme (et de ses luttes ?) nous faire compatir ceux qui les dénigrent le plus et avec quelle force !

Robert Fisk se félicite que deux ministres de Sinn Féin siègent au gouvernement de Belfast. Sa logique voudrait-elle qu'on accorde quelques sièges de l'ONU aux lieutenants du sinistre Oussama ben Laden pour trouver la paix ? That is the [M. Fisk's] question !

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