Bien qu'il ne désigne pas les responsables du génocide arménien, le vote du Parlement français est un grand pas pour condamner les atrocités sur lesquelles s'est bâti l'état turc moderne. Après l'approbation en novembre 2000 par le Sénat d'un texte où " la France condamne publiquement le génocide arménien ", les parlementaires français sont passés outre les menaces de rupture diplomatique de la Turquie et l'hostilité du gouvernement français, et ont approuvé, hier après-midi, à l'unanimité un texte identique.
La communauté arménienne de France, qui compte près de 500.000 membres en France dont 200.000 en région parisienne, voit ainsi l'aboutissement d'une de se principales revendications, après un processus parlementaire qui aura duré près de 2 ans. Principalement issue des rescapés du génocide de 1915, l'immigration arménienne a su transmettre intacte la mémoire aux jeunes générations.
Les massacres turcs, perpétrés entre 1915 et 1917 s'étaient sont soldés par près de 1,5 millions de morts, selon les arméniens, n'ont jamais été reconnus par la Turquie qui les considère comme des victimes d'une guerre civile orchestrée par la Russie entre un empire ottoman sur le déclin et la jeune garde montante de Kemal Atatürc.
Les grecs se sentaient très proches du peuple arménien, pour avoir été au même moment et pour les mêmes raisons victimes aussi de la répression turque. L'importante communauté grecque qui vivait au Ponte Euxène, partageait sa frontière avec l'Arménie, avait subi le même sort que les arméniens.
La décision du Parlement français hier, ajoutée au vote du Sénat en novembre dernier, font de la France le premier grand pays occidental à reconnaître le génocide arménien.
Bien que le gouvernement français tente de dédramatiser la porté de ces votes et les assurances qu'ils ne sont pas dirigés contre " un pays ami ", ni ne concernent la Turquie d'aujourd'hui, le gouvernement turc s'est clairement reconnu dans le rôle de l'auteur de ce génocide qu'elle a rappelé aussitôt son ambassadeur en France pour consultations. Le premier ministre turc, M. Bulent Ecevit, a annoncé de représailles sans toutefois en préciser la nature. Le ministre d'Etat Rustu Kazim Yucelem a déclaré lors d'une conférence de presse que les relations entre la Turquie et la France seraient affectées de façon importante et durable. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères estimait dans une déclaration à l'agence Reuters que la décision française portait atteinte à la paix régionale, faisant probablement allusion à la frontière que l'Arménie actuelle partage avec la Turquie.