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Coup d'œil sur la dernière insurrection des Grecs, par Mme Dufrénoy (1825) (1).

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[i] [b][u][center]Coup d'œil sur la dernière insurrection des Grecs,
par Mme Dufrénoy (1825) (1). [/center][/u][/b]

Pendant la dernière guerre que la France eut avec l'Angleterre, les Anglais ayant accordé la liberté de pavillon aux sujets du sultan, les Grecs armèrent une foule de navires et donnèrent à leur commerce une étendue considérable. Malte tomba en 1808 au pouvoir de la Grande-Bretagne ; alors plusieurs maisons grecques s'établirent dans cette île ; et depuis la paix générale, il s'en forma dans les ports de l'Italie, ainsi que dans ceux du midi de la France, et l'opulence régna dans les îles de l'Archipel.

Les Grecs, courbés sous le joug de fer des Turcs depuis plusieurs siècles, épiaient en silence l'instant favorable de secouer leurs chaînes ; on les croyait soumis, ils n'étaient que comprimés. Les nouvelles richesses qu'ils devaient à leurs opérations commerciales augmentèrent leur horreur pour l'esclavage, tandis que le la mésintelligence qui s'éleva entre la Porte et la Russie augmenta leurs espérances. Déjà ils avaient échoué dans plusieurs soulèvements, déjà la Russie les avait abandonnés en 1770 ; mais les Grecs n'ignoraient pas qu'un peuple qui a perdu la liberté ne la recouvre pas tout à coup, qu'il faut souvent de longs efforts, plusieurs siècles et des événements favorables pour la lui rendre.

Les sultans ne souffraient encore qu'avec peine, le siècle dernier, que les rayas s'instruisent dans les écoles publiques ; mais sous le règne de Sélim il s'en établit plusieurs. Les lumières commencèrent à se propager dans la Grèce ; tous les riches négociants envoyèrent leurs enfants dans les écoles de l'Europe, qui retentissait du cri de liberté ; ils y étudièrent les beaux traits de l'histoire de leurs ancêtres, et de retour dans leurs foyers, on les entendit chanter des hymnes à l'indépendance : dès lors il était présumable que la Grèce instruite, opulente, ne demeurerait point esclave. Les sentiments de la vengeance contre le peuple qui les asservissait, les souvenirs illustres dont le seul aspect du pays natal entretenait leur cœur, la croix si souvent insulté par les musulmans, la pudeur de leurs femmes et de leurs filles continuellement exposée aux outrages de leurs indignes maîtres, tout leur faisait un devoir de s'affranchir ou de perdre la vie les armes à la main. Ils croyaient être soutenus par les Russes, leurs coreligionnaires ; un prince de ce pays le leur avait promis : il fut trompé ou il les trompa ; toutefois ses promesses enflammèrent leur courage, et quand ils eurent combattu, la nécessité de combattre encore, si ils ne voulaient river pour toujours leur esclavage, enfanta chez les Grecs modernes des héros dignes de leurs aïeux.

Les habitants de la Morée, qui n'avaient retiré de plusieurs insurrections que des fruits amers, paraissait s'être résignés à leur destin, et le plus grand calme régnait dans les provinces de l'empire ottoman au commencement de 1821. Tous les pachas révoltés avaient été soumis ; Ali pacha seul, retranché dans sa forteresse, donnait quelques inquiétudes à la Porte, quand la mort du prince Alexandre Suzzo, dernier hospodar [ prince-gouverneur placé à la tête des provinces roumaines conquises par le Sultan, ThE.]conquises par les Ottomans de la Valachie, laissa aux mécontents de cette province les moyens d'éclater. Théodore ou Théodoro, autrefois employé au service de l'armée russe, se mit à leur tête ; il n'eut d'abord sous ses ordres que quelques pandours [ guerrers hongrois des corps francs fauteurs d'excès et de pillages, ThE.] et quelques Arnautes ; bientôt sa troupe s'augmenta d'une portion de cultivateurs valaques ; et Théodoro, qui prit alors le nom de Vladimiresco, se vit en état de parcourir à son gré la petite Valachie, et de s'établir avec sa troupe dans le district de Kaajova. On commençait à soupçonner ses vues secrètes, le commerce s'en alarmait ; néanmoins, on se flattait que le nouvel hospodar, le prince Gallimachi, allait à son arrivée rétablir l'ordre dans le pays.

La Moldavie, province contiguë à la Valachie, était restée étrangère au mouvement insurrectionnel et ne paraissait pas disposée à y prendre part, quand le prince Alexandre Ypsilanti, major-général dans les armées russes, parut à Jassi avec ses deux frères, à la tête d'un petit corps d'Arnautes, et s'annonça comme appelé à délivrer la Grèce. Tout à coup les habitants de la Moldavie accoururent en foule grossir sa troupe. Leur dénuement absolu ne refroidit point l'ardeur que leur inspirait l'assurance du chef qui semblait point douter du succès de son entreprise. Dans le même temps, le peuple de Galatz s'insurgea et mit en pièces les Turcs qui se trouvaient dans la ville. Galatz même fut presque réduit en cendres. De son côté, Ypsilanti déploya une bannière chargée d'emblème religieux et républicains ; Théodoro eut aussi ses couleurs, Ypsilanti répandit la proclamation suivante :

« Aux armes ! Aux armes ! Pour la religion et la liberté ! Le moment est arrivé, vaillants Grecs ! Depuis longtemps les peuples de l'Europe combattent pour leurs droits et leurs libertés, et ils nous donnent l'exemple. Aussitôt qu'ils seront libres, ils s'efforceront de vous rendre à la liberté et au bonheur. Nos amis, nos frères Serviens et les Souliotes sont prêts ; toute l'Épire armée vous attend ; la patrie nous appelle. L'Europe voit nos dissensions avec peine ; toute la Grèce est prête à voler à notre secours ; la trompette guerrière et le bruit des armes se font entendre !

« L'Europe attend des miracles de notre courage ; nos tyrans tremblent et ils se dérobent par la fuite ; les peuples éclairés s'occupent à poser les bases de leur félicité, et connaissant le noble caractère de nos ancêtres, ils souhaitent la liberté à la Grèce. Nous nous montrerons dignes de nos aïeux, et nous avons maintenant d'autant plus d'espoir, que nous pouvons compter sur l'appui d'un grand nombre d'hommes qui, par amour pour la liberté, viennent se joindre à nous.

« Réunissez-vous, mes amis, et vous verrez une grande puissance protéger nos droits ; vous n'avez pour ennemis que des hommes faibles, impuissants et efféminés ; nos généraux sont expérimentés et animés du même enthousiasme que nous. Réunissez-vous donc ; au son de vos trompettes, les habitants de l'Ionie et de l'Archipel se mettront sous vos étendards ; les bâtiments grecs qui, en temps de paix, s'occupent de commerce, combattront avec nous.

« Quel cœur peut rester indifférent à la voix de la patrie ? Un seul ami de César mit le peuple en mouvement, lorsqu'il lui montra sa robe ensanglantée. Que ferons-nous donc, Grecs, lorsque la patrie nous montre ses blessures et qu'elle appelle ses enfants à son secours ? Amis et compatriotes, la Providence divine protégera notre entreprise, si nous voulons faire le moindre effort pour la liberté et le bonheur ; mais si, par une indifférence coupable, nous restons dans l'apathie, nous serons accablés de tous les maux.

« Ouvrez les yeux et voyez l'état malheureux dans lequel vous vous trouvez. Voyez vos temples profanés, vos filles ravies pour servir au plaisir des barbares, vos maisons dévastées, vos champs ravagés, et vous-mêmes esclaves. Il est temps de secouer le joug et de délivrer la patrie. Levez les étendards qui vous conduiront à la victoire. Couvrez-vous de la croix, et nous sauverons la patrie et notre sainte religion des insultes des infidèles.

« Il faut que les riches donnent une partie de leur fortune ; que les prêtres inspirent du courage au peuple et qu'ils l'instruisent de ses droits ; que les militaires et les employés civils, qui seront dans les pays étrangers, abandonnent leurs emplois ; la patrie exige ce sacrifice, et je vous promets une prompte victoire et avec elle le bonheur. Opposons aux mercenaires et aux esclaves un peuple courageux qui se rappelle de ses ancêtres ; pensons à l'Espagne qui seule a vaincu l'armée de son usurpateur. (À suivre). [/i]

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