Avec un taux de pauvreté de 19,6%, la Grèce se situe parmi les derniers de la classe des Etats-membres de l'UE. L'Etat grec a enfin décidé de dégager une enveloppe de 500 millions d'euros en 2008 pour le Fonds de cohésion sociale (ETAKS), l'enveloppe globale d'ici 2010 devant atteindre 2 milliards d'euros, a indiqué mercredi le ministre de l'Economie et des Finances, Georgios Alogoskoufis, dans une conférence de presse qui a suivi la ratification des grands principes du projet de loi par le cabinet restreint.
Ceci équivaut, a précisé le ministre à environ 1.000 euros par an pour chaque personne se trouvant en dessous du seuil de pauvreté, l'objectif étant de se rapprocher de la moyenne européenne en ramenant, d'ici cinq ans, le taux actuel de pauvreté de 19,6% à 15%, la moyenne européenne étant à 16% en 2005.
Or, la Grèce, avec l'Irlande et l'Espagne, n'est suivie que par la Lituanie et la Pologne (à 21%) dans le bas du tableau européen. Et, si, en moyenne européenne, les 15 pays-membres arrivent, en 2005, grâce aux transferts sociaux, à réduire le seuil de pauvreté de 10 points, de 26% avant transferts à 16% après, en Grèce, les transferts sociaux n'améliorent le taux que de 3 points (de 23% à 20%). Dans ces conditions, l'objectif affiché par le ministre à l'horizon 2010 paraît improbable eu égard de l'allocation de 1000 euros par an et par personne. Mais au lieu de la réalité des chiffres, l'opposition a préféré spéculer sur la tenue d'élections anticipées et parler de cadeau électoral (voir ci-dessous).
Des critères stricts seront pris en considération pour les personnes bénéficiaires, à savoir en général les chômeurs pauvres, les chômeurs de longue durée et les petits retraités, assuré le ministre.
Pour M. Alogoskoufis, se référant aux statistiques de 2004, la catégorie "pauvres" se définit par une famille de deux enfants ayant un revenu annuel inférieur à 11.864 euros, soit un revenu mensuel de moins de 1.000 euros par mois pour un ménage et deux enfants (le seuil de pauvreté pour une personne seule étant de 5.649 euros annuels). La définition d'Eurostat, le bureau européen des statistiques, fixe, elle, le seuil de risque de pauvreté à 60 % du revenu disponible médian national (après transferts sociaux).
Le ministre a précisé que 50% des ménages "pauvres" ont un revenu supérieur à 75,9% du seuil de pauvreté, c'est-à-dire très prés de la limite de pauvreté.
M. Alogoskoufis a annoncé par ailleurs la mise en place d'un groupe spécial de recherches, analyses et documentation.
Le cabinet restreint, présidé par le premier ministre, Costas Caramanlis, a entériné en effet mercredi les grandes lignes du projet de loi pour la création d'un Fonds national de cohésion sociale, une initiative relevant des ministres de l'Emploi et de l'Eco&Fin, MM. Magginas et Alogoskoufis, et visant à lutter contre la pauvreté telle que définie par la Commission européenne, mais en même temps à rendre plus efficace l'Etat social.
Dans des déclarations de presse à sa sortie du Palais Maximou, le ministre de l'Emploi a souligné l'importance de la décision du cabinet restreint pour la création d'un Fonds de cohésion sociale, notant que ces ressources financeront des actions ciblées et qu'il sera tenu compte des résultats, alors que, a-t-il dit, jusqu'à présent les financements mis à disposition par l'Etat restaient sans efficacité.
L'opposition ironise sur la politique sociale du gouvernement
L'annonce du gouvernement de la création d'un Fonds social est venue renforcer la spéculation sur l'éventualité d'élections anticipées à la rentrée dans laquelle l'opposition de gauche se complait depuis le début de l'année déjà.
"La Nouvelle Démocratie (ND, parti au gouvernement) a depuis quelques jours constitué un Fonds de pauvreté électorale", a ironisé la responsable à l'Economie et aux Finances du Conseil parlementaire du PASOK, Vasso Papandreou, en commentaire de l'annonce d'un projet de loi sur un Fonds de cohésion sociale. "La panique [du gouvernement] est désormais apparente pour tous les Grecs, étant donné qu'elle ne peut reporter les élections après le début de l'automne, sachant très bien, qu'en raison de ses politiques, les développements s'annoncent douloureux pour une grande partie de la société grecque", a-t-elle conclue, ajoutant que "les soi-disant allocations que M. Alogoskoufis annonce avec une telle facilité tous les jours ne sont rien d'autre qu'une redite des promesses que la ND avait faites avant même les élections de 2004".
La pauvreté ne se règle pas par des salaires de misère, mais par de réelles augmentations des revenus et retraites, a commenté pour sa part le KKE (parti communiste), ajoutant prévoir des mesures drastiques après les élections, ce parti mettant en cause la Stratégie de Lisbonne, laquelle selon lui vise à "rabaisser encore plus les salaires et retraites et accentuer son attaque contre les droits des travailleurs".
Enfin, pour le secrétaire de Synaspimos (communistes radicaux), Nicos Hountis, des politiques économiques d'austérité se profilent à l'horizon après les élections, M. Hountis estimant que les 2,8 euros par jour pour les personnes en dessous du seuil de pauvreté ne peuvent être que qualifiés d'acte de charité dans le cadre d'une propagande de soi-disant politique sociale.
i-GR/ANA-MPA