Hellas Jet' l'éponge.

La première compagnie privée grecque sur les lignes internationales, Hellas Jet, a définitivement cessé cette semaine son activité, laissant des milliers de voyageurs qui avaient déjà réservé leur vol pour Athènes dans l'incertitude de retrouver des conditions équivalentes à 90 jours des grands départs d'été. La compagnie, si elle assure que tous ses clients seront remboursés, elle est peu prolixe en explications s'en tenant au laconique communiqué officiel faisant part d'une simple suspension des vols, alors même que d'après nos informations, il y a bel et bien cessation d'activité, la flotte de la compagnie étant déjà vendue !

Après Cronus et Axon, c'est donc la 3e tentative grecque, en moins de 10 ans, qui échoue à installer durablement une alternative sérieuse au quasi-monopole Air France / Olympic, à Paris et un transporteur privé sur le marché européen des vols à destination de la Grèce. Pourtant Hellas Jet ne manquait pas d'atouts. Contrairement aux deux premières initiatives, Hellas Jet était épaulée par Cyprus Airways, la compagnie officielle de Chypre, dont elle bénéficiait du soutien de ses bureaux à l'étranger.

Lancée en juin 2003 sur les lignes Paris, Londres, Manchester et Bruxelles, on pouvait imaginer qu'à un an des Jeux Olympiques d'Athènes, Hellas Jet arrivait sur le marché, en un moment opportun pour minimiser les risques du lancement. Un service impeccable et une flotte neuve à base d'Airbus A320 avaient contribué à installer rapidement une image positive. Mais ce faisant, Helals Jet entrait en concurrence directe avec les historiques Olympic et surtout Air France. D'autant qu'Hellas Jet était lancée suite à la frustration de Cyprus Airways comme candidat au rachat d'Olympic Airways, la compagnie publique grecque qui d'appel d'offres en appel d'offres n'a toujours pas trouvé preneur depuis cinq ans.

"Il n'est pas facile de concurrencer Air France qui propose 4 vols quotidiens", pense Mme Iliokratidou, directrice de l'Office hellénique du Tourisme à Paris, pour qui Hellas Jet, malgré son image auprès des particuliers, était méconnue des professionnels. A cela Mme Iliokratidou avance l'étroitesse du marché, du moins celui des touristes français. Aux quatre vols d'Air France et aux 2 d'Olympic, l'offre d'Helas Jet portait à huit vols quotidiens l'offre pour la Grèce aux 800.000 voyageurs français. L'impact de la faillite d'Helas Jet sur l'offre "Grèce" en France sera limité d'après Mme Iliokratidou qui, sceptique sur la stratégie et le positionnement suivi par Hellas Jet, estime que "il n'e suffit pas d'être sur un marché porteur, faut-il encore savoir transformer le trafic en bénéfices".

Pour l'heure, l'inquiétude est grande auprès de ceux qui avaient déjà réservé leurs vols avec Hellas Jet. Plusieurs courriers et courriels sont parvenus aussi bien à l'Office du Tourisme qu'à iNFO-GRECE. D'autres part, plusieurs voyagistes qui avaient bâti des programmes sur les vols Hellas Jet auraient des difficultés à trouver des alternatives assurant les conditions initiales. Le patron d'un spécialiste parisien de la Grèce a dû renoncer à ses congrès de Pâque orthodoxe qui avait lieu cette année juste après l'annonce d'Hellas Jet, pour réussir "à caser" ses clients sur les vols d'autres compagnies. Il est toutefois impossible d'obtenir la moindre explication consistante de la part d'Hellas Jet. Si le bureau parisien de Cyprus Airways nous a fourni avec précision les modalités de remboursement des particuliers, la direction athénienne d'Hellas Jet reste muette aussi bien sur les causes de l'échec que sur les raisons d'une annonce aussi laconique que le délais d'exécution des résolutions annoncées était court.

Hellas Jet annonçait en effet le jour de l'Assemblée générale de ses actionnaires du 20 avril qu'elle suspendait l'ensemble de ses vols aussitôt que trois semaines plus tard, soit le 10 mai. "La décision a été dictée par les conditions socio-économiques du marché qui ne permettent pas la réalisation des plans de la société", se limite à indiquer le communiqué, alors que l'hypothèse d'une fermeture d'Hellas Jet figurait dans les plans de réorganisation de Cyprus Airways dès août 2004 ! Nous n'en saurons pas qui du "socio" ou de l'"économique" a pesé le plus sur la décision. En tout cas, le personnel de la compagnie a, lui, été surpris de l'annonce d'autant qu'aucun plan social ne semble avoir été préparé. En revanche, d'après nos informations, les trois Airbus de la compagnie, en contrat de leasing jusqu'en mai 2006, seraient déjà assurés d'un preneur en Suisse, leur réintégration dans la flotte de Cyprus Airways n'étant pas à l'ordre du jour.

Il semblerait en effet que la décision d'arrêt d'Hellas Jet soit dictée par la compagnie mère, Cyprus Airways, elle-même en lutte pour sa propre survie face à la concurrence des vols bon marché, notamment sur sa ligne londonienne. Des sources privées, on assure que Hellas Jet perdait près de 1,2 millions d'euros par mois, alors même que le bilan de l'année dernière de Cyprus Airways était déficitaire de 37 millions de livres chypriotes (63,8 millions d'euros). Cyprus Airways, en manque de liquidités et entièrement détenue par l'Etat chypriote, est en attente d'une autorisation européenne pour recevoir le soutien de son gouvernement. La tâche s'annonce particulièrement difficile à Lazaros Savvides, un fonctionnaire gouvernemental qui vient d'être nommé président de Cyprus Airways (et de Hellas Jet).

La disparition d'Hellas Jet devrait a priori profiter à la compagnie nationale grecque Olympic Airways, mais la difficulté de Cyprus Airways à trouver un acquéreur pour Hellas Jet, augure mal l'issue de la privatisation en cours d'Olympic, en sursis de la surveillance de la Commission européenne sur les perfusions publiques.

i-GR/AE