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17 août 1944, le "bloko" de Kokkinia (reprise).

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17 août 1944 : "bloko" de Kokkinia.

La IIème Guerre mondiale touche à sa fin. Le 6 VI 1944, les Alliés ont débarqué en Normandie, puis en Provence (15-16 VIII). Paris sera libéré le 12-25 VIII. Les Alliés sont entrés à Rome le 4 VI et les Britanniques à Florence le 11 VIII. L'île de Guam a été reprise aux Japonais par les Américains le 10 VIII. L’Armée rouge est en Pologne. Le 1er VIII Varsovie se soulève. Sur ordre de Staline, le maréchal Rokossovski laisse écraser les Résistants et ravager la ville. L’URSS déclare la guerre à la Bulgarie, qui demande l’armistice et déclare la guerre à l’Allemagne 5h plus tard !… (ou comment se trouver dans le camp des vainqueurs… et devenir soviétique …) Les V1, bombes volantes allemandes pleuvent sur Londres. La défaite de l’Allemagne et du Japon est évidente et proche.
Pour les Grecs, deux situations : la Résistance, de pratiquement tout le peuple, a en zone libérée le "Gouvernement des Montagnes". Il est charpenté par l'EAM (Ethniko Apélefthoriko Métopo ; Front national libérateur, créé le 27 IX 1941) et défendu par l'ELAS (hEllinikos Laïkos Apélefthérotikos Stratos : armée populaire hellénique libératrice, créée par l’EAM le 10 IV 1942). L'EDES (Ethnikos Dimokratikos hEllinikos Syndesmos : Lien national démocratique hellénique, créé le 9 IX 1941) est en Epire. Le "Gouvernement en exil", du roi Georges II est dirigé par Géôrgios Papandréou.
L'occupant germanique, est lâché par son ex-allié italien, et ça se passe mal pour les soldats italiens contre qui se retournent les Allemands. Les Bulgares, bien que sachant leur echec et leur retournement, continuent les persécutions anti-grecques en Thrace et en Macédoine, où depuis moins de 20 ans ont été implantés tant de Réfugiés-Echangés lausannois, qui les subissent après avoir subi celles des Turcs.
La résistance de tout le pays, le refus de partir de travailleurs requis, les actions contre leur départ en STO (Service du Travail Obligatoire) en Allemagne, la création de "Bataillons de Sécurité" (en uniformes d'evzone !), troupes de choc anti-communistes (1943-44), qui combattent les Résistants au côté des Allemands poussent aux pires cruautés.
Les "blokos" sont une procédure répétée : les soldats allemands et les Bataillons de Sécurité encerclent un quartier, un village, un atelier, un arrêt d’autobus, raflent ou tuent. Les hommes (à partir de 14 ans !) sont réunis brutalement, ne peuvent s'échapper, des indicateurs masqués (cache-visage en osier tressé, cagoule) circulent parmi eux et désignent les "suspects". Exécutions sommaires, passages à tabac, prison surpeuplée de Haïdári, déportation soit en camps soit en STO s'ensuivent.
Le 6-7 III 1944, il y eut un premier «blóko» à Kokkiniá.
Le 11 VIII 1944 des evzones sécuritaires occupent la mairie de Kokkiniá (banlieue « rouge » entre Athènes et le Pirée, mais son nom vient des champs de coquelicots avant l’implantation des Réfugiés-Echangés lausannois) et proclament les noms de 50 Résistants de cette banlieue exécutés.
Le 15 VIII les Allemands et les Sécuritaires s’infiltrent en ville, par le Pirée. Des combats de rue se déroulent. Les armes de l’ELAS sont inférieures à celles des attaquants. Malgré cela les assaillants sont contenus. L’après-midi, l’attaque reprend. Les Allemands et les Sécuritaires prennent l’avantage, procèdent à des arrestations. Les prisonniers sont menés à Haïdári.
Le 17 VIII à 02h30 la ville est encerclée par 4 000 soldats allemands et les Sécuritaires. Le colonel Plytzanópoulos, casqué, cravache en main, le commandant Sgoúros avec son fils en uniforme d’evzone pistolet dégainé, et le chef de la police motorisée Bourantás participent. Tous les hommes de 14 (!) à 60 ans de la ville sont convoqués Place hOsias Xénis. On les évalue à 20-25 000. Ils sont à genoux. Les indicateurs masqués passent et désignent les Résistants, les communistes : c’est les tuer.
Certains traîtres sont connus : Vérykoglou, Batavian, le coiffeur Bébéoglou, Iôannidis, Méïmaris, Vakalópoulos, Parthéníou, Tsimpidáros, Tsanakaliôtis, Tilémachos, Mórphis, Mitrópoulos, Gkínos, le lieutenant Papagéôrgíou, l'interprète Anthópoulos, Bantrônis, Lykourézos désignent ceux qui vont mourir.
La soif, la chaleur, la peur, les coups, les insultes, les pleurs des adolescents, les cris des femmes et des enfants, accroissent les souffrances physiques et morales. Celles qui tentent de porter de l’eau sont passées à tabac jusqu’à l’évanouissement. Bantrônis creva à la baïonnette l’oeil gauche puis lacéra la face du Kapétan Apostólis Chatzivassilíou (ELAS) après l’avoir ironiquement salué au garde-à-vous de : «Mes respects, mon lieutenant ! ». Puis il le traîne parmi les autres prisonniers pour qu'il indique ses compagnons, ce qu'il refuse. Evanoui, il est alors pendu sans avoir repris ses sens. Le communiste Asmánis, une loque sous les coups, est tué par Plytzanópoulos. Aucun des désignés n’a trahit les siens.
Les hommes qui ont tenté de se cacher sont tués sur place. Des habitations sont forcées, saccagées. Le quartier où 80 maisons sur 90 ont été incendiées s’appelle aujourd’hui Kaména (brûlés).
Des mises à mort sont immédiates au premier mur de la tapisserie proche et à Anô Karava. Dans la filature, où on comptera 72 cadavres, le bourreau allemand boit du ouzo d’une main et tue de l’autre. 40 sont tués à Schisto et les cadavres brûlés. Il y eut 300 victimes ce jour là. Parmi eux se trouvaient Diamantô Koumpaki, Kazakidis, Périvolas (qui se jeta à la gorge de Plytzanopoulos au moment où le bourreau allait le tuer), Makris (qui parvint à sortir du piège et mena un combat à mort avec huit autres Résistants dont l’italien Nino). Les cadavres sont dépouillés des objets de valeur. Les Allemands tuèrent sur place partie des indicateurs.
8 000 Kokkiniôtes marchèrent 7km jusqu’à la caserne de Chaïdari, «réservoir» d’otages à fusiller. 1 800 furent transférés dans les camps de concentration allemands. Nombre d’entre eux furent abattus ou moururent sous la torture.
Le 24 IX, on célébra le mnimossyno (requiem) La foule était très nombreuse. Les Allemands avaient installé des mitrailleuses en hauteur et tirèrent : 8 morts et de nombreux blessés.
Après guerre, deux indicateurs survivants du bloko furent jugés et ... innocentés ! Seul Sgoúros fut condamné, mais sans faire sa peine. Il était colonel d’active. Innocenté en III 1947, il fut nommé à la tête du troisième bataillon de Makrónissos. Plytzanópoulos finit sa carrière comme général de division ! La dictature des colonels désigna comme maire de Níkaia (Néa Kokkiniá) le neveu de Plytzanópoulos…
Kokkiniá a pris place avec les autres villes martyrs grecques : Kallithéa, Kaissarianí, Haïdári, Kalávryta, Dístomo, Chortiáti, Doxáto.

PS : Mazower, dans son livre : Dans la Grèce d'Hitler (1 941-1944), Ed. Les belles lettres, ouvrage très documenté, écrit :
«... Intervint le colonel Plytzanópoulos, le nouveau chef des bataillons de sécurités, pour dire aux prisonniers de ne pas s'inquiéter-en fait, personne ne serait envoyée à l'étage ou en Allemagne ; il ne laisserait pas faire une chose pareille. En effet, après une altercation avec un officier supérieur allemand qui assiste à la scène, ils furent tous remis en liberté. » (ceci avait eu lieu à Koukáki).
« À Kokkiniá, les choses ont pris un tournant dramatique quand les SS ont remarqué qu'on laissait certains prisonniers s'échapper lors de leur transfert en prison. Une fusillade éclate là alors entre les Allemands et les élus zones ; un SS et trois membres des bataillons furent tués. Pris entre deux feux, les prisonniers payèrent un lourd tribut. Après cela, les élus zones ont été nombreux à protester auprès de leurs supérieurs, en disant qu'il ne pourrait plus continuer à faire un tel travail. Plytzanópoulos a dit aux Allemands que ces hommes accepteraient plus de rafler des citoyens innocents pour les envoyer en Allemagne. »

Ou de la difficulté d'avoir des éléments fiables, même dans les archives ...

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