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Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni, Markaris / Deflorian / Tagliarini

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  • Ce ne andiamo..., photo © Elisabeth Carecchio

    "Nous partons pour ne plus vous donner de soucis", inspiré par une image du roman Le Justicier d’Athènes de Petros Markaris. En italien surtitré français.

    De Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, avec Anna Amadori, Daria Deflorian, Antonio Tagliarini, Valentino Villa.

    Quelle attitude juste adopter devant un fait divers poignant ? Une heure durant, les quatre comédiens en scène partagent cette interrogation avec leur public, cherchant la bonne réplique au geste impossible à représenter dont parle Petros Markaris dans son roman Le Justicier d’Athènes : celui de quatre retraitées qui ont choisi d’en finir pour ne plus vivre à la charge de la société. Au terme de leur quête, un spectacle plein de délicatesse, d’humour et d’émotion, l’un des grands succès de la saison passée au Théâtre de la Colline.

    Si vous avez déjà vu à La Colline le travail de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, vous reviendrez certainement les voir à l’Odéon. Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni est un spectacle court, une heure à peine. Mais comme le remarque Tagliarini, ce « temps bref » peut aussi devenir une arme d’intensité massive, et la voix de la confidence est souvent celle qui porte le plus loin. Le peu de temps, la discrétion des paroles – l’économie, en somme – sont ici au cœur du propos, lui donnent sa rigueur et son humanité. Les quatre comédiens conquièrent de haute lutte leur droit d’entrer en scène et d’y rester. Afin (ajoute l’un d’entre eux, non sans malice) « de vous donner d’autres soucis. »

    Le peu de temps, c’est celui qui reste à quatre retraitées grecques avant d’en finir. Deflorian et Tagliarini ont découvert leur destin dans les premières pages du Justicier d’Athènes, une fiction policière signée Petros Markaris. Le romancier cite leurs noms, leurs dates de naissance, lisibles sur leurs cartes d’identité posées bien à plat sur une table modeste, à côté d’une bouteille de vodka à moitié vide, d’un flacon de somnifères et d’un message écrit avec soin. Elles y expliquent pourquoi elles mettent fin à leurs jours. N’ayant plus de quoi vivre, elles ont cru comprendre qu’elles étaient « un poids pour l’État [...] et toute la société ». Elles ont donc choisi de partir : « quatre retraitées en moins, cela vous aidera à mieux vivre ». Deflorian et Tagliarini n’ont pas scénarisé cette histoire. Leur projet ne consiste pas à nous raconter la crise grecque, ni à la transposer en Italie. Ils entrent les mains nues sur une scène vide, noyée d’ombre, et s’interrogent devant nous, nous interpellent sur leurs scrupules dans l’approche sensible d’un tel matériau. « Ensemble, » disent les artistes, « nous nous présentons au public avec une déclaration de profonde impuissance, une impuissance cruciale à représenter : notre « non » commence tout de suite, dès la première scène. »

    Daria Deflorian l’affirme :  face au pouvoir, il est toujours possible de dire non. Ce «  non » des retraitées, il faut le faire entendre, car on ne peut, comme on dit, « en  rester là ».  Mais il ne suffit pas non plus de répéter ce « non ».  De la part d’un(e) artiste, quelle serait l’action juste – ni leçon, ni récupération – qui permettrait d’aborder un tel acte de désespoir sans se complaire dans le spectaculaire ou le compassionnel ? Ces questions qui se posent aux interprètes s’adressent aussi à leurs spectateurs. Elles ne sont pas seulement esthétiques, mais aussi et d’abord civiques. La quête se conduit comme à tâtons entre le plateau et la salle. Sous nos yeux, les quatre comédiens exposent leurs difficultés. Avec une délicatesse qui parfois n’est pas dénuée d’humour, ils cherchent la bonne façon de répliquer au geste « incompréhensible, gratuit et puissant » des retraitées et « trouver une réponse constructive à la débâcle – avant tout morale – qui nous entoure. Incapables, impuissants. Mais conscients de cela. »  Cette réponse, ils la trouvent par les moyens du théâtre, donnant corps avec dignité à toutes les disparitions.

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