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Petit salut à Daniel

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By iNFO-GRECE,

Maintenant que l'émotion médiatique s'est estompée partageons quelques pensées sur un homme d'exception qui vient de nous quitter. Il est vrai que, grand amateur des médias, il ne pouvait faire mieux que de s'en aller avec tous ses amis autour, en plein milieu d'un prestigieux festival de cinéma, comme il les aimait. Daniel Toscan du Plantier, infatigable défenseur du cinéma français, est mort mardi à l'âge de 61 ans aux suites d'un malaise cardiaque à Berlin où il assistait à la 53e Berlinale. Un dernier hommage devait lui être rendu ce matin à l'église de la Madeleine à Paris, avant l'inhumation au cimetière du père Lachaise.


Je l'avais rencontré à Nantes vers 1986 où je l'avais invité pour donner une conférence à mes étudiants. Inutile de vous décrire son art de partager sa passion et de communiquer son énergie. Il était au sommet de sa carrière, où à la tête de la Gaumont, il venait d'enchaîner succès sur succès. Mais aux premiers mots échangés, le mythique du Plantier laissait sa place à l'extraordinaire simplicité de Daniel. Je ne sais pas pourquoi, mais dès le départ je sentais qu'il se serait vexé si je donnais dans du "Monsieur", ce qui serait normal pour quelqu'un de 20 ans mon aîné. C'est ainsi que je l'appelai Daniel et lui Athnassio. Le soir, sur la route vers l'aéroport de Nantes, assis sur la banquette arrière de ma voiture, on ne parlait que des banalités de tous les jours ; du cinéma, on en avait assez discuté toute la journée. En attendant l'avion, au comptoir du bar de l'aéroport, nous commandâmes deux coupes de champagne. Le serveur le reconnaît aussitôt et lui propose son livre d'or pour un autographe. "Et, moi ?", protestai-je auprès du serveur. "La prochaine fois, ce sera à ton tour de signer, Athanassio". Je n'oublierais jamais son rire.

J'ai dû le revoir peu de temps après, à Paris. Je ne me souviens plus pour quelle raison. Dans un petit bureau qui n'avait rien à voir avec la mégalomanie légendaire que voulait son image publique. D'ailleurs, il n'était plus l'homme de la Gaumont. Il venait de repartir à zéro. En producteur de musique classique. Le lyrique, sa grande passion. Avec beaucoup de chance. "S'il n'y avait pas le compact disque, j'étais ruiné", me confie-t-il. Le CD venait d'être inventé et la musique classique était son marché de prédilection.

La dernière fois que j'espérais le voir, c'était en décembre 95. Daniel Toscan du Plantier était devenu l'ambassadeur du cinéma français, à la tête d'Unifrance, l'organisme chargé de la promotion des films français à l'étranger. Je devais y porter la copie d'un film pour un festival au Canada. A Paris, des embouteillages monstres. Depuis quinze jours la capitale française était paralysée par un mouvement social sans précédent. Le chauffeur de taxi qui devait m'amener dans les locaux d'Unifrance derrière la Tour Eiffel, m'a expliqué que j'arriverais plus vite en continuant à pieds. Ce que je fus, depuis la Trinité, du côté de la gare St Lazare. Bien sûr quand je suis arrivé à Unifrance, il ne restait plus qu'une secrétaire.

C'est en partageant avec vous, ce matin, ces quelques souvenirs que je tenais à rendre hommage à l'homme qui a donné son meilleur pour défendre une culture française qu'il ne concevait que populaire. Tous les films qu'il a produits nous rappellent que le travail de qualité bien mené peut rencontrer le large public, s'il est mené dans le respect de celui-ci. Les marchés mondiaux étaient pour lui une constante provocation à se battre pour y faire une place à l'Europe, plutôt qu'à se réfugier dans une défense frileuse. "L'Europe et la mondialisation peuvent, doivent devenir des opportunités heureuses", répétait-il dans le Film français, rêvant à "une Europe [...] présente sur l'ensemble du marché mondial, et pourquoi pas américain".

Une dernière chose, pour "justifier" la présence de cet hommage dans ces pages qui traitent à priori de la Grèce. Je n'ai jamais discuté de la Grèce avec Toscan du Plantier. Comme si cela allait de soi qu'un esprit grec nous animait tous les deux, sur lequel il était inutile d'en rajouter. En tout cas, lui, il avait les muses pour compagnie. Sa maison de disques s'appelait Eratô, et sa maison de productions cinématographiques, Euripide !

Alors que les muses t'accompagnent dans ton dernier voyage et qu'Euripide t'accueille bien à la grecque à ton arrivé ! Tu pourras lui raconter la comédie humaine à la quelle tu as assisté ici-bas, il t'en fera quand même une tragédie. Mais, avec de la classe, comme la tienne. Bonne route.

AE
iNFO-GRECE

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