[i] [b][u][center]La civilisation homérique : le palais homérique.[/center][/u][/b]
Dans les maisons royales, une seule partie paraît avoir été construite en pierre : c'étaient les chambres à coucher du maître et des personnes de sa famille. Telle est la pièce qu'Ulysse construit autour du tronc de l'olivier sauvage qui sert de pied au lit qu'il a construit de ses propres mains ; telles sont les soixante-deux chambres destinées aux fils et aux filles de Priam, que renferme le grand palais de Troie ; tel est encore l'appartement de la déesse Circé. Ces chambres de pierre, très petites, devaient être enveloppées dans des constructions de bois. C'était de poutres et de planches qu'étaient faites ces grandes salles spacieuses où l'on se réunissait pour manger et pour boire en écoutant l'aède chanter les aventures des héros ; il en allait de même de ces magasins où l'on gardait les provisions, les vêtements et les armes, ainsi que de ces abris où couchaient les esclaves des deux sexes. Tout cet étage supérieur, dont il est question dans l'Odyssée, était bâti de la sorte. Les fouilles d'Hissarlik ont trouvé que le bois entrait pour une part très considérable dans la construction des maisons ; on a rencontré une énorme quantité de cendres et de charbon sur l'emplacement de ce village fortifié, qui est probablement la Troie d'Homère. Par cet endroit, la civilisation homérique est donc moins avancés et que la civilisation mycénienne.
L'intérieur des habitations n'avait rien non plus qui rivalisât avec le luxe des édifices orientaux, tel que nous le révèlent les ruines des temples de l'Égypte et des palais de l'Assyrie. Dans les pièces principales des plus riches maisons, rien qu'un sol de terre battue. Les parois et les plafonds des chambres, les battants, les chambranles et quelquefois même le seuil des portes était fait de sapin, de chêne, de frêne, ou d'olivier. Ce qui assombrissait encore la couleur de toutes ces boiseries, c'était la fumée du foyer, celle des graisses qui, lorsque rôtissait la viande, coulaient en grésillant sur les charbons ardents, celle enfin des éclats de bois résineux que l'on allumait, à la tombée de la nuit, sur un disque de métal, pour éclairer les appartements. Partout se déposait cette suie qui, dans la maison d'Ulysse, avait endommagé les armes appendues aux lambris. Comme aujourd'hui dans la maison du paysan de la Grèce et de l'Asie Mineure, il y avait pas, à proprement parler, de cheminée ; on faisait le feu soit au milieu de la pièce, soit contre un mur, et la fumée s'en allait comme elle pouvait, soit par la porte ouverte, soit par les interstices des ais de la cloison et du toit.
Les héros d'Homère s'accommodaient fort bien de ce que beaucoup de nos paysans ne supporteraient plus sans une certaine répugnance. Dans la salle à manger où se réunissent les prétendants, la fleur de la jeunesse achéenne, non seulement on fait la cuisine tout le jour durant, mais encore les abatis des bêtes tuées sont entassés là dans des corbeilles ou jetées dans les coins ; ce sont des pieds et des tête de bœufs, ce sont des peaux fraîches et souillées de sang. La cour n'est pas plus propre. Devant la porte même du logis, il y aura un tas de fumier sur lequel s'étend et dort, tout couvert de vermine, le vieux chien du d'Ulysse, Argos ; il en est de même dans le palais de Priam. Quand on cherche à se figurer ces habitations de Priam et d'Ulysse, on ne peut se défendre de songer aux konaks des pachas et des beys de l'Asie Mineure. Même développement des constructions qui, partie en pierre, partie en bois, couvrent un large espace de terrain. Mêmes divisions de l'édifice : la partie ouverte et publique, le selamlik, qui correspond au mégaron d'Homère ; la partie secrète et privée, le harem, qui est le thalamos de l'épopée ; enfin de vastes dépendances pour les esclaves et les provisions. Devant et parmi ces bâtiments, des cours spacieuses et mal tenues, où flânent les gens et où vaguent les animaux, cherchant, suivant la saison, tantôt le côté de l'ombre et tantôt celui du soleil. Dans les intérieurs, même mélange d'un certain luxe et d'un laisser-aller qui surprend tout d'abord l'Européen. Des armes de prix, des pipes enrichies de pierres précieuses, des tasses, des cafetières, des bassins d'une forme élégante, et surtout de beaux tapis. Après cela, partout de la poussière, des murs tachés, des plafonds que la pluie a percés et salis. Dans des enfoncements, on voit amoncelées en pile les couvertures que, le soir venu, les serviteurs étendront sur les divans et sur le plancher, pour eux-mêmes ou pour les autres, comme ils le font sans cesse dans l'Odyssée. [/i]