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La civilisation préhomérique. Tirynthe. Perrot, Journal des savants, 1890.

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[i] [center]La civilisation préhomérique.

[b]Tirynthe.[/b][/center]

Le mamelon de roche calcaire qui porte les ruines de Tirynthe a environ 300 m de long sur 100 m de large ; le point culminant en est à 18 m au-dessus de la plaine environnante, et à 26 m au-dessus du niveau de la mer. Ce massif ne se termine pas, à sa partie supérieure, par un plateau uni ; la surface en est inclinée de plusieurs mètres dans la direction du nord au sud. Comme l'ont démontré les fouilles entreprises par Schliemann, elle forme trois larges degrés, que l'on peut désigner par les termes de haute, moyenne et basse citadelle. À elles toutes, ces trois terrasses n'offrent qu'une aire très restreinte, où il y avait place que pour un petit nombre d'habitants, et cependant, s'il n'y avait pas eu sur ce point une population agglomérée d'une certaine importance, pourquoi y aurait-on élevé des constructions aussi imposantes, et où aurait-on trouvé des bras dont le concours était nécessaire ? Il faut qu'il y ait eu là une ville, mais cette ville était dans la plaine. Le prince, avec sa famille, ses hommes d'armes et ses serviteurs, vivait dans la forteresse ; quant au petit peuple, laboureurs, pâtres et artisans, il avait ses demeures tout autour du roc que couronnait l'impressionnable château, à l'ombre de ce que l'on appelait chez nous, il y a quelques siècles, la motte féodale. Si des pirates avaient débarqué sur la grève, si l'ennemi tenait la campagne, un ennemi trop redoutable pour qu'il fût sage de lui livrer bataille, les gens du bourg, emportant leurs provisions et ce qu'ils avaient de plus précieux, entraînant avec eux ce qu'ils avaient pu ramasser de leurs troupeaux, se réfugiaient derrière le rempart et s'y entassaient pour quelques jours ; le péril passé, il reprenait possession de leurs champs, ils avaient bientôt rétabli leurs cabanes de bois et de briques crues, lorsque l'envahisseur, arrêté au pied de la forteresse, s'était vengé de sa déconvenue en mettant le feu aux maisons. Ce village ouvert entourait comme d'une vivante ceinture la cité royale et devait s'étendre surtout dans la direction de la mer ; c'était certainement là que se trouvait le marché où les paysans des environs apportaient leurs grains et leurs bestiaux, et où venaient étaler leurs marchandises les négociants étrangers, qui abordaient au petit port situé environ 2 kilomètres vers le sud-ouest de Tirynthe ; il y a là les restes d'une jetée en gros blocs frustes qui paraissent accuser une très haute Antiquité.

Les anciens croyaient que le mur d'enceinte de la citadelle avait été construit par des ouvriers légendaires, originaires d'Asie Mineure, et que l'on appelait les Cyclopes. La surprise qu'on éprouvait devant cet ouvrage d'un aspect si étrange se traduisait par de singulières exagérations. « Le mur, dit Pausanias, seul débris qui reste de Tirynthe, a été bâti par les Cyclopes ; il se compose de pierres brutes si grosses qu'un attelage de deux mules ne suffirait pas à déplacer la plus petite d'entre elles ; pour mieux consolider les grosses pierres, on en a rempli les interstices avec de petites pierres. »

Il est exact que de petites pierres ont été placées dans les intervalles que laissent entre eux par endroits, les gros blocs, polyèdres plus ou moins irréguliers ; mais il l'est moins que ceux-ci soient des quartiers de roc brut. Presque toutes les pierres, avant d'être utilisées, ont été travaillées, tantôt sur l'une, tantôt sur plusieurs de leurs faces. Cette façon leur été donnée avec un marteau pointu ; de cette manière on arrivait tantôt à leur assurer une assiette plus solide, tantôt à en aplanir complètement la face externe. Il y a aussi quelque hyperbole dans ce que dit Pausanias de la dimension des blocs. Sans doute on en remarque qui ont 3 m de longueur sur 1 m 50 d'épaisseur et de largeur. On se demande comment le constructeur a pu transporter et mettre en place de si énormes fragments de roc, dont le poids est évalué à 12 000 ou 13 000 kilogrammes. Mais ceux-ci sont l'exception ; et s'il y a beaucoup de pierre qui doivent encore peser près de 4000 kilogrammes, on en compterait un bon nombre que remueraient aisément un ou deux ouvriers. À tout prendre, les pierres sont ici plus grosses qu'un Mycènes ; on rencontrerait difficilement en Grèce une autre enceinte où les matériaux soient de si fort échantillon. [/i]

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