[i] Enfin, dont l'horizon lointain, les sommets d'une île montagneuse apparurent. Le taureau redoubla de vitesse. Un rivage s'offrit, et l'animal divin déposa son fardeau sous l'ombre d'un platane. Zeus alors,reprenant sa forme divine, se fit connaître d'Europe. Vigilantes et promptes, les Heures à ce moment descendirent de l'Olympe préparer pour leur maître une couche nuptiale. Europe s'endormit entre les bras de Zeus, et Minos, le premier et le meilleur de tous les rois de la terre, naquit de leur sommeil. Depuis ce jour, pour commémorer ce mariage, le platane sous lequel il s'était consommé ne perdit plus jamais sa couronne de feuilles.
La seconde vierge dont Zeus fut amoureux s'appelait Danaé. Elle était la fille d'un roi puissant d'Argos aux belles tours. Or, ce prince était sans successeur. Pour savoir si un fils assurerait la descendance directe de son trône, il se rendit consulter un oracle. Le Dieu lui répondit que Danaé, sa fille, mettrait au monde un enfant qui regnerait à sa place et qui, avec la vie, pour une gloire sans égale, lui ravirait le souverain pouvoir. Épouvanté, le roi des Argiens s'imagina pouvoir contrecarrer les arrêts du Destin. Dès son retour dans la blanche Argos, il fit construire une chambre souterraine dont les parois furent plaquées d'airain. Puis, pour empêcher sa fille d'être mère, il y fit enfermer Danaé, et il posta, tout autour de ce sombre cachot, des sentinelles en armes pour y monter jour et nuit une garde attentive. Mais la Destinée est une force invincible, et les hommes ne peuvent rien contre ses décisions. Zeus, en effet, pour accomplir l'oracle qu'il avait prononcé, se changea en pluie d'or. Pendant que sur terre l'orage faisait rage, cette pluie d'or traversa les parois d'airain du toit de la prison où dormait Danaé, et pénétra, comme une ondée rafraîchissante en une glèbe assoiffée, dans le sein de la vierge. L'enfant qui naquit de cette pluie céleste se dénomma Persée.
Ce ne fut point, cette fois, sous la forme d'un taureau ou dans les goutte d'or d'une pluie merveilleuse que Zeus, pour se rendre auprès de Léda descendit un jour sur le sommet du sauvage Taygète. La nuit était profonde, et aucun bruit ne troublait le silence engourdi de la haute montagne. Léda, fille d'un roi d'Étolie, dormait comme une reine morte. Soudain, de larges ailes déployées et battantes vinrent secouer sur elle un parfum d'ambroisie. Réveillée en sursaut, Léda vit auprès d'elle un cygne. Son blanc plumage rayonnait comme une aube, et le long col de cet oiseau divin caressait son visage.
« Femme, lui dit le cygne, ne crains rien. Je suis le Dieu de la lumière, et je veux que tu sois l'illustre mère de deux enfants semblables. Ils vivront comme vivent, l'un faisant place à l'autre, le soleil et la lune. Appelés l'un Castor, et son frère Pollux, ils deviendront des Dieux dont la bienveillance adoucira la peine de mourir, et ils seront le secours des marins en butte à la tourmente. Quand, en effet, des tempêtes furieuses se précipiteront sur la mer et que les nautonniers, debout sur la proue du navire en détresse, leur adresseront des prières, bientôt, fendant les airs de leurs ailes rapides, tes deux enfants leur apparaîtront dans les nues. Ils apaiseront le souffle des vents déchaînés, tranquilliseront le tumulte des flots et conduiront heureusement le vaisseau dans le port. »
Ainsi parla le souverain ordonnateur du monde universel. Neuf mois après, Léda pondit au fond des bois un œuf miraculeux. Il en sortit deux enfants exactement semblables. Dès leur naissance, une même étoile étincela sur leur tête ; et, plus tard, ils chevauchèrent tous de le même blanc coursier, et leurs mains furent armées du même javelot.
Zeus pourtant, en tant que créateur de tout ce qui est beau, n'aimait pas seulement que la beauté des femmes. Il lui fut donné de découvrir un jour un adolescent d'un attrait merveilleux. Pour garder toujours auprès de lui celui qu'il estimait le plus beau des mortels, il résolut de l'enlever de la terre et d'en faire dans l'Olympe son gracieux échanson. Or, un soir que Ganymède, encore jeune berger, tout en gardant son troupeau sur les pentes herbeuses du mont Ida, était assis sur un rocher et jouait de la flûte, Zeus, transformé en aigle de grand vol, s'abattit soudain derrière lui. Il agrippa ses serres, rendues inoffensives, au flanc du jouvenceau, piqua son bec en ses cheveux, déploya ses ailes vigoureuses, et enleva ce bel adolescent. Ganymède, dès lors, devint un habitant du ciel. Au lieu de fromage et de lait, il se nourrit, comme les Dieux, de nectar et d'ambroisie, il obtint ainsi, pour charmer le regard heureux des Immortels, le privilège d'une éternelle jeunesse.
Une autre fois, raconte-t-on, Zeus voulu s'approcher de la fille de Nycteus. Profitant de ce que cette vierge aux beaux bras dormait, enveloppée de ses voiles, à l'ombre d'une haute futaie, le souverain de l'Olympe, transformé en satyre aux pieds de bouc, s'approcha d'Antiope et dormit avec elle. À partir de ce jour, Antiope senti en elle tressaillir deux enfants. Mais Nycteus, son père, ignorant l'époux que la beauté de sa fille lui avait fait obtenir, reprocha durement sa conduite à Antiope. Pour se soustraire à de continuelles menaces, l'amante de Zeus abandonna le palais paternel et se réfugia dans Sicyone. Peu après, le roi de cette cité, Épopeus, épris des charmes de cette reine exilée, l'épousa. À cette nouvelle, Nycteus se tua de désespoir. Toutefois, ce père courroucé avait fait jurer, avant de mourir, à son frère, Lykos, de tirer vengeance d'Antiope et de son époux. Lykos marcha contre Sicyone, tua Épopeus, chargea Antiope de liens et la ramena prisonnière. En cours de route, cette divine captive mit au monde deux beaux jumeaux qu'elle dut abandonner. Des bergers recueillirent Amphion et Zéthos, les nourrirent et éduquèrent ceux qui devaient être les fondateurs de Thèbes aux beaux remparts. Conduite à Sicyone, étroitement surveillée et maintes fois tourmentée par la reine Dircé, l'épouse de Épopeus, Antiope menait une vie misérable. Un jour, pourtant, les chaînes qui meurtrissaient ses fines mains tombèrent d'elle-même sur le sol. Miraculeusement délivrée, elle gagna le Cithéron et retrouva ses enfants. Ceux-ci, après avoir reconnue, se saisirent un jour de la cruelle Dircé, l'attachèrent aux cornes d'un sauvage taureau et jetèrent ensuite son corps dans une source : la source de Dircé.
Le plus souvent, comme il convient au maître souverain des hommes et des Dieux, Zeus était représenté sur un trône magnifiquement ouvragé. Son auguste tête exprimait la force qui commande aux orages, mais conservait aussi le calme inaltérable et la grandeur sereine qui préside aux beaux jours. Une chevelure, épaisse et abondante comme une crinière de lion, ornait son vaste front et retombait des deux côtés de son visage en grappes ondulées. Une barbe bouclée allongeait son visage, et ses grands yeux qui voyaient tout se creusaient, larges et profonds, sous l'arc épais et détendu de ses sourcils. Quelquefois nue, la tête de Zeus était communément ceinte d'une bandelette, ou couronnée de laurier, de chêne ou d'olivier. Dans sa main droite était la foudre ailée. De sa gauche, il tenait une statue de la Victoire, ou bien un sceptre que surmontait un aigle. Parfois aussi cet aigle reposait à ses pieds, où se tenait sur une de ses mains. Son beau torse était nu, et une draperie, tombant de ses épaules, enveloppait ses genoux et découvrait ses chevilles et ses pieds. L'aigle, le chêne, les cimes des montagnes lui étaient consacrés. Les chèvres, les brebis, les taureaux blancs, dont on dorait les cornes, étaient les animaux qui, généralement, lui étaient sacrifiés. [/i]