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Sur la guerre des Russes contre les Turcs, en 1768, ode de Voltaire.

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[b][u]SUR LA GUERRE DES RUSSES CONTRE LES TURCS[/u][/b],
en 1768

L’homme n’était pas né pour égorger ses frères ;
Il n’a point des lions les armes sanguinaires :
La nature en son cœur avait mis la pitié.
De tous les animaux seul il répand des larmes,
Seul il connaît les charmes
D’une tendre amitié.

Il naquit pour aimer : quel infernal usage
De l’enfant du Plaisir fit un monstre sauvage ?
Combien les dons du ciel ont été pervertis !
Quel changement, ô dieux ! La Nature étonnée
Pleurante et consternée,
Ne connaît plus son fils.

Heureux cultivateurs de la Pensylvanie,
Que par son doux repos votre innocente vie
Est un juste reproche aux barbares chrétiens !
Quand, marchant avec ordre au bruit de leur tonnerre,
Ils ravagent la terre,
Vous la comblez de biens.

Vous leur avez donné d’inutiles exemples.
Jamais un Dieu de paix ne reçut dans vos temples
Ces horribles tributs d’étendards tout sanglants :
Vous croiriez l’offenser, et c’est dans nos murailles
Que le dieu des batailles
Est le dieu des brigands.

Combattons, périssons, mais pour notre patrie.
Malheur aux vils mortels qui servent la furie
Et la cupidité des rois déprédateurs !
Conservons nos foyers ; citoyens sous les armes,
Ne portons les alarmes
Que chez nos oppresseurs.

Où sont ces conquérants que le Bosphore enfante ?
D’un monarque abruti la milice insolente
Fait avancer la Mort aux rives du Tyras ;
C’est là qu’il faut marcher, Roxelans invincibles ;
Lancez vos traits terribles,
Qu’ils ne connaissent pas.

Frappez, exterminez les cruels janissaires,
D’un tyran sans courage esclaves téméraires ;
Du malheur des mortels instruments malheureux,
Ils voudraient qu’à la fin, par le sort de la guerre,
Le reste de la terre
Fût esclave comme eux.

La Minerve du Nord vous enflamme et vous guide ;
Combattez, triomphez sous sa puissante égide.
Gallitzin vous commande, et Byzance en frémit ;
Le Danube est ému, la Tauride est tremblante ;
Le sérail s’épouvante,
L’univers applaudit.

Voltaire
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