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Arrivée dans les eaux grecques, tiré du Journal de voyage de Basterot,1867.

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Submitted by Thomas Efthymiou on

Vicomte Florimont-Jacques de Basterot. Le Liban, la Galilée et Rome : [u]journal d'un voyage en Orient[/u] et en Italie : septembre 1867-mai 1868. Éd.: C. Douniol (Paris) 1869.

[i]22 SEPTEMBRE.
Journée radieuse. Une brise fraîche court sur les flots bleus. Plusieurs vaisseaux nous croisent, toutes voiles dehors. De bonne heure nous apercevons les montagnes au-dessus de Navarin et plusieurs îles, entre autres Sphactérie, fameuse par le siège que les Spartiates y soutinrent pendant la guerre du Péloponnèse. Le chef du parti démocratique, Cléon, finit par les faire capituler; mais le succès avait été préparé par les chefs de l'aristocratie, Vicias et Démosthènes. (Ne pas le confondre avec l'orateur qui vécut près d'un siècle plus tard.) Aussi Aristophane, ennemi de Cléon, le représente sous les traits d'un esclave éhonté qui sert au vieux maître Démos (le peuple) le bon gâteau que d'honnêtes serviteurs ont préparé. Ce fut alors que se passa un fait atroce. Sparte, presque dépeuplée de citoyens, craignant une révolte de la Messénie, à l'instigation d'Athènes, fit assassiner 2,000 ilotes des plus braves, afin de jeter la terreur parmi les survivants.
Vers midi, nous traversons le golfe de Messène. La chaîne du Taygète est en vue ce rude pays des Maniottes, qui vient se terminer au cap Matapan, l'ancien Ténare, la pointe la plus méridionale de l'Europe. La population du Magne est une des plus sauvages de notre partie du monde. Ces descendants des anciens Spartiates se gouvernent entre eux et ne sont que nominalement soumis au royaume de Grèce. On se fait la guerre de village à village, de maison à maison. Ces maisons sont des tours massives qui peuvent soutenir un siège. Nous les distinguons parfaitement en longeant la côte.
Certains vieillards ne sont pas sortis de leur tour depuis cinquante ans, à cause de certain meurtre commis dans leur jeunesse car la vendetta, le prix du sang, règne ici dans toute sa force.
Voyez les intéressants détails sur le Magne, publiés, il y a deux ans, dans la Revue des Deux-Mondes.
Ces côtes sont sauvages, arides, desséchées, à peine quelques bois d'oliviers autour des villages. Ce sont des rochers de grès rouge, des ravins profonds, des falaises à pic, et cependant telle est la pureté de l'air, l'harmonie des couleurs, le contraste gracieux entre la teinte rose des rivages et le bleu vif de la mer, qu'on ressent cette vive impression de beauté que j'ai toujours retrouvée en Grèce. Puis, comment ne pas être touché
par les mille souvenirs que ces bords rappellent, par les faits, par les hommes illustres qu'ils ont vus.
Voici les rochers du Ténare, le golfe où se jette l'Eurotas plus loin, le cap Malée. Tout le domaine de Sparte Mais ce peuple, trop vanté par les pédants du dernier siècle, qui ont abouti à M. de Robespierre, n'excite pas cette sympathie que tout admirateur du beau éprouve pour Athènes. Il avait toute la férocité inintelligente des soi-disant réformateurs.
Le triomphe de Sparte fut la ruine de la Grèce. Comparez son joug pesant avec l'éclatante domination de Périclès. L'hégémonie d'Athènes, depuis les guerres médiques (480) jusqu'à la désastreuse expédition de Sicile (413), fut peut-être le moment le plus brillant de l’esprit humain.
A droite nous apercevons l'île dénudée de Cythère, dont les poésies érotiques donneraient une bien fausse idée. Rien de moins galant que ce rude rocher. Sans doute, de belles jeunes filles y recevaient de leur mieux, comme à Syra, les matelots retenus dans ces parages le tout par les vents contraires de là sa réputation dans tous les ports de la Méditerranée.
Le promontoire Malée, aujourd'hui cap Saint-Ange, est un peu moins désolé que le Ténare. Il est aussi plus élevé et se présente mieux sur la mer. A son extrémité se trouve un petit ermitage. En face un navire grec est arrêté et un canot porte des provisions au solitaire. Nous nous contentons de hisser le pavillon tricolore. Je ne sais jusqu'à quel point le saint homme est touché de cet honneur. Il préférerait peut-être quelque chose de plus substantiel.
Du reste, au lieu de l'ermite unique annoncé par Lamartine, Gérard de Nerval, etc., nous en voyons trois. Il n'y a donc pas lieu de se plaindre. A ce moment, le soleil couchant couvre de tons riches, lumineux, les îles, les montagnes, les voiles et la mer.[/i]

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