Albanie : la minorité grecque réclame l’autonomie pour Himara
Traduit par Mandi Gueguen
Publié dans la presse : 5 mai 2008
Mise en ligne : mardi 13 mai 2008
Sur la Toile
Himara, ville côtière au Sud du pays, est la perle du tourisme albanais, mais la ville est aussi caractérisée par la forte présence de la minorité grecque. De récents incidents, comme l’arrestation de deux militants du mouvement grec d’Albanie Omonia, ont fait ressortir la question des revendications de cette communauté. Alors que des manifestants radicaux scandent « Himara c’est la Grèce ! », le maire de la ville réclame une autonomie territoriale.
Par Marjola Rukaj
L’énorme potentiel touristique qui a fait la renommée d’Himara est en passe de se faire dépasser les par incidents qui font périodiquement la une des journaux nationaux. Le dernier évènement en date à avoir soulevé un énième tollé médiatique a eu lieu le 10 avril 2008.
Une arrestation qui tourne à l’émeute
Tout a commencé lorsque deux agents de police ont arrêté deux jeunes d’Himara qui circulaient à bord d’une voiture immatriculée à l’étranger. Depuis les années 90, les autorités albanaises contrôlent très souvent ce type d’automobiles, dans le cadre des mesures prises contre le trafic de voitures volées à l’étranger. Mais, selon les dires des policiers, les deux jeunes, Erjon Jorgo Rapo et Manol Zoto, membres d’Omonia, l’association de la minorité grecque en Albanie, leur ont résisté. Les policiers se sont alors vus contraints de les emmener au poste pour les relâcher quelques heures plus tard. Le lendemain pourtant, un des policiers qui avait pris part au contrôle des jeunes a été attaqué par un groupe de personnes, pour protester – comme cela a été dit devant les caméras de télévision – contre les mauvais traitements physiques qu’auraient subis les deux jeunes.
Une dizaine d’autres citoyens, selon les médias grecs, entre 50 et 70 individus selon les médias albanais, se sont joints au petit groupe de départ, poursuivant le policier jusqu’à la station de police, devant laquelle ils ont protesté en clamant : « Himara c’est la Grèce ! », « Albanais, hors d’Himara ! », « Nous voulons la police grecque ! ». On a même entendu quelqu’un réclamer l’autonomie en accusant les autorités albanaises de génocide à l’égard de la minorité grecque.
Selon ce qu’ont rapporté la presse albanaise et les policiers, ces derniers se sont retirés à l’intérieur du poste sans réagir à la protestation, mais en tirant des coups de feu en l’air pour éloigner les manifestants. Ils ont rapidement demandé des renforts auprès des forces de polices de Vlora et de Fier. Le préfet de Vlora, Xhevahir Rexhepi, s’est rendu d’urgence à Himara pour discuter avec le maire, Vasil Bollano, qui est aussi président d’Omonia. Les émeutes se sont terminées seulement lorsque le maire a invité les participants à s’éloigner. Les protestations, selon le maire et les manifestants, ont été amorcées par les violences physiques que les policiers auraient fait subir aux deux jeunes interpelés, tandis que les policiers nient avoir eu recours à la violence. Les jeunes ont été soumis au contrôle des experts, qui n’ont pu trouver aucune trace de coups. En attendant, les policiers impliqués ont été suspendus et la question est désormais entre les mains de la justice.
Etrange coïncidence
L’incident a justement eu lieu la veille d’une visite de trois jours du vice-ministre des Affaires Etrangères grecques, Theodoros Kasimis. Cette visite avait été déjà programmée avant que cet incident n’éclate, comme cela a été précisé par la suite, alors qu’on a cru que Theodoros Kasimis s’était rendu à Himara à cause de l’affrontement entre les manifestants et la police.
Quelques jours plus tard, le quotidien « Shqip » publiait un article attribuant au maire d’Himara l’organisation de la manifestation et des incidents, quelques jours avant la visite de Kasimis, afin de faire diversion : Bollano est en effet soupçonné d’irrégularités gravissimes dans la gestion des financements alloués par le gouvernement grec à cette zone. L’article en question rappelait aussi les accusations de l’ambassadeur grec en Albanie à l’égard du maire Bollano qui serait impliqué dans un trafic de visas. Selon les autorités albanaises 350 000 euros destinés à la construction d’un aqueduc à Dhermi et quelques autres milliers d’euros de donations grecques se seraient volatilisés, ce qui, selon le journal albanais, aurait dégradé les rapports entre le maire d’Himara et les autorités grecques.
« Même en 1997, la police n’était pas allée jusqu’à tirer sur des citoyens », a commenté durement le maire d’Himara, Vasil Bollano. Il a qualifié de « normales » les réactions de la foule, en expliquant que les gens étaient irrités par le comportement de la police. Le maire d’Himara a mis un point d’honneur à recevoir le vice-ministre grec sur fond d’hymne et de drapeaux grecs, en allant même jusqu’à revendiquer l’obtention collective de la citoyenneté grecque. Theodoros Kasimis a été, en revanche, bien plus diplomate. « Je sais comment vous vous sentez », a-t-il rassuré ses hôtes. Puis il a évoqué la perte des valeurs des frontières, ainsi que l’importance de l’intégration européenne et du bon voisinage.
Dans une interview fort commentée par la presse albanaise, Kasimis a défini “de réactions émotionnelles”, les revendications d’autonomie qui ont été prononcées pendant sa visite à Himara, avant d’affirmer : « Nous ne sommes plus dans les années 50 ou 70, mais à un moment où les frontières entre les états comptent toujours plus ». En ce qui concerne la minorité grecque en Albanie, Kasimis a affirmé : « Ils sont tous de bons citoyens albanais, qui contribuent et qui contribueront au progrès du pays ».
Les médias albanais se sont dits convaincus que Kasimis avait fait preuve d’autant de modération pendant son entrevue avec le maire Bollano. Après la rencontre à huis clos avec l’association Omonia, Kasimis s’est dirigé à la presse très optimiste : « Omonia inaugure une phase de renouveau », avant de souligner le rôle que l’association doit jouer pour améliorer encore les rapports entre la Grèce et l’Albanie, qui sont entrées depuis ces dernières années dans une phase très positive.
Himara/Himarë : une ville qui divise les opinions
Les incidents à Himara et les positions radicales adoptées initialement par le maire Bollano ont été largement réprouvés par la presse albanaise ainsi que parmi les politiques, mais les autorités n’ont pas réagi officiellement pour autant. La situation d’Himara a été pendant plusieurs jours analysée en long et en large à la télévision et dans les journaux. Pour la majeure partie des médias albanais, les incidents qui ont eu lieu ont été organisés par le maire lui-même. Ce n’est en effet pas la première fois que ce dernier, ainsi que la branche la plus radicale de la minorité grecque d’Himara, sont à l’origine de provocations que beaucoup considèrent comme anti-albanaises.
Divers journaux ont retracé chronologiquement les incidents successifs au siège électoral d’Himara. On a mentionné le fait que sur son site officiel, la ville d’Himara déclare 85 % d’habitants appartenant à la minorité grecque, et l’histoire albanaise y apparaît plutôt « arrangée » à la sauce grecque. Par exemple, Skenderberg, le héros national albanais, y figure avec le nom « Jorgo », à la grecque, au lieu de « Gjergj » son prénom albanais. Depuis la salle du Parlement albanais, le député indépendant, anciennement membre du Parti Démocratique, Spartak Ngjela, a rappelé que l’année dernière, alors qu’on évoquait l’indépendance du Kosovo, le maire d’Himara avait publiquement déclaré que sa ville devrait suivre l’exemple du Kosovo en mettant les deux cas au même niveau . A l’époque aussi, la presse albanaise avait débordé de réactions contre les déclarations arrogantes du maire.
Ces derniers jours, la chaîne de télévision Top Channel a diffusé une émission sur un autre évènement qui a de nouveau redonné la vedette à Vasil Bollano : sur le site internet de la commune, les journalistes de la chaîne avaient remarqué que les propriétaires des hôtels de la côte d’Himara avaient tous des noms grecs. Après avoir mené l’enquête sur le terrain, ils ont découvert qu’aucun d’entre eux n’était vraiment de nationalité grecque. « Il y a environ une trentaine de personnes, tous propriétaires d’hôtels, qui se sont dotés de nouveaux noms grécisés de leur propre chef, sans aucune autorisation », a affirmé devant les caméras de télévision Stefan Kokdhima, maire de Qeparo, qui se trouvait lui-même dans la liste avec le nom Stefanos Kokdhimas. Des analystes différents ont invité les autorités albanaises à suspendre le maire d’Himara de ses fonctions pour ses actes considérés comme anticonstitutionnels. A Saranda et à Vlora, des lycéens ont brûlé publiquement le drapeau grec.
Des revendications de plus en plus fréquentes
La minorité grecque en Albanie est depuis toujours au centre des débats, tant de la part des politiques et chercheurs grécophones, que du côté des chercheurs albanais. Ces derniers ont construit un réseau touffu de théories pour démentir celles avancées par la partie grecque. Or, aucun des deux côtés ne produit des études dignes de foi ou des données statistiques impartiales.
La situation n’est pas faite pour s’arranger avec l’émigration massive en Grèce des minoritaires, mais aussi avec les conversions faciles des Albanais et des Valaques, orthodoxes ou non, qui obtiennent en échange bien plus facilement la carte de séjour en Grèce et la perspective de prometteuses pensions de retraite.
Les gouvernements albanais, de gauche comme de droite, se sont toujours montrés prêts à sauvegarder les droits de la minorité grecque, comme le bilinguisme dans les zones grécophones ou l’ouverture d’écoles qui suivent le programme scolaire grec. A part de rares incidents, on n’a jamais constaté de conflits entres Grecs et Albanais qui cohabitent dans cette ville méridionale, mais ils sont de plus en plus nombreux depuis l’élection du maire Vasil Bollano.
Re: Albanie : aïe !
On l'a toujours dit, quand une minorité demande l'autonomie, [u]en général, il y a toujours l'indépendance derrière.[/u]
Seulement, ça n'a plus aucuns sens maintenant puisque maintenant l'Albanie aspire à rejoindre l'Union Européenne, ce qui signifie que les frontières entre chaque membre ne sera plus politique, mais administrative.
Ce n'est pas vraiment une bonne nouvelle car depuis 1923, la frontière Gréco-Albanaise séparant la région d'Epire a été maintenue. Pourquoi changer?
Re: Albanie : la minorité grecque réclame l’autonomie pour H
Encore une chose, je remercie aux partis Albanais PDSh de la FYROM qui ont manifesté un soutient à Athènes en choisissant et conseillant leurs ... [i]"confrères Skojiotes"[/i] de continuer à chercher un compromis sur la question du nom.
In reply to Re: Albanie : la minorité grecque réclame l’autonomie pour H by Sakellarios
respect oui, autonomie non.
Je suis Albanais et:
- respect des droits de la minorité grecque: OUI (enseignement, panneaux en grec dans les zônes où ils vivent etc).
-autonomie de Himara: NON ! Aucune raison à cela.
J'ajouterais que la minorité albanaise de Grèce (pas les immigrés, les autochtones), tchame, n'a toujours pas pu regagner les terres dont elle a été chassée. Elle n'a reçu aucune compensation financière. Je demande à la Grèce qu'elle respecte les droits de la minorité albanaise comme l'Albanie respecte les droits de la minorité grecque ... car là le respect, il ne va que dans un sens.
Pour la Macédoine, je crois que la Grèce a raison de rester ferme.
In reply to respect oui, autonomie non. by dyonisos
Re: respect oui, autonomie non!!! tu as raison
Le problème pour le gouvernement est qu'il reproche aux albanais d'être trop nombreux !
Parait-il qu'Athènes soutiendrait le projet de grande Albanie, dirigé contre l'ARYM, histoire d'inciter les Albanais de Grèce à peupler les régions de l'ouest et de Skopje .... Tirana, étant maintenant un partenaire stratégique ... et les Skopjiens, trop ennuyeux!
y aurait-il des détails?
Autre problème: Le problème des Tchames a été "résolu" ...
(je dis bien :"entre guillemet")
... avec la coopération du gouvernement Albanais ... l'accord consistait à abandonner toute prétention grecque sur l'Epire du Nord tandis que l'Albanie s'engage à ne plus soutenir le retour des Tchames.
D'ailleurs, je crois même que la grèce ne soutiendra même pas la cause des grecs d'himara ...
In reply to respect oui, autonomie non. by dyonisos
Re: respect oui, autonomie non.
Les albanais n'ont jamais vraiment respecté les grecs d'Epire du Nord , il n'y a pas très longtemps l'état albanais a fermé une Eglise Grec orthodoxe pour faire à la place un musé dédiée a Hoxa ... Ou tu vois du respect envers les Nord Epirotes ?