[quote=Dominique Hernandez]
Voilà un mot grec un peu long, quatre syllabes. En fait, c'est un mot composé avec un préfixe, hupo et un radical dema qui vient du verbe deô et signifie ‘attacher’ ; hupo c’est ‘au-dessus’.
Nous avons donc un mot qui signifie quelque chose comme “attaché ou s’attachant au-dessus” et c’est vraiment ce qui se passe avec hupodema : on l’attache au-dessus du pied.
Hupodema, c’est une sandale.
C’est aussi, selon le cas, une véritable chaussure recouvrant complètement le pied. Et l’on trouve composé sur hupodema un mot pour dire “faiseur de sandale” et un autre encore signifiant “couseur de sandale” ; autrement dit, deux mots pour désigner un cordonnier.
Hupodema n’est pas le seul mot grec signifiant ‘sandale’, il y en a deux dans la Bible, hupodema un peu plus employé que l’autre. Disons tout de suite qu’il n’y a pas énormément de sandales dans la Bible, et très peu dans le Nouveau testament ! Pourtant, un des emplois du mot est très connu, on pourrait même dire célèbre car l’expression qui le contient est presque passée dans le langage courant : “je ne suis pas digne de délier la lanière de sa sandale”. Mais nous y reviendrons tout à l’heure.
Comme toute chaussure, les sandales présentent l’utilité de protéger les pieds, particulièrement quand il s’agit de marcher. Il en existe depuis très longtemps et elle est courante dans tout le monde méditerranéen, en cuir, ou en roseau en Egypte, attachée sur le pied avec une lanière, laquelle peut remonter sur la jambe. Donc pour un voyage, puisque la locomotion est principalement pédestre, on chausse ses sandales. Pourtant Jésus, envoyant ses disciples en mission leur recommande de ne pas prendre de sandales. On lit ce passage dans l’évangile de Matthieu où Jésus s’adresse à ses douze disciples :
« Ne vous procurez ni or, ni argent,
ni monnaie à mettre dans vos ceintures,
ni sac pour la route, ni deux tuniques,
ni sandales ni bâton
car l’ouvrier a droit à sa nourriture. »
——————————————————Matthieu 10,10
Luc précise autrement et c’est soixante-douze disciples que Jésus envoie en mission :
« Allez, je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. N’emportez pas de bourse, pas de sac, pas de sandale, et n’échangez de salutations avec personne en chemin. »
——————————————————Luc 10,4
Pas de sandale, marcher pieds nus sur les chemins, pierres et poussières et pieds usés, fatigués. Les disciples n’ont même pas droit au minimum nécessaire à un voyage, cette radicalité est surprenante. Les disciples sont envoyés seulement avec le vêtement qu’ils ont sur le dos, seulement avec leur foi. Ils sont envoyés comme des mendiants, dépendants en tout, des habitants des lieux visités pour leur subsistance, et de leur Seigneur pour la raison et le sens de ce qui les a mis en route. Plus loin dans l’évangile de Luc, juste avant d’être arrêté, Jésus demande à ses disciples :
——« Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni sac, ni sandale,
——avez-vous manqué de quelque chose ?»
——«De rien», répondent-ils.
Démunis de tout ce qui peut les garantir contre quoi que ce soit, les disciples aux pieds nus n’ont plus qu’à s’en remettre à leur seul Seigneur pour ce qu’ils ont à faire. Le souci du lendemain s’efface devant la tâche quotidienne : rien à amasser, rien à conserver, rien à protéger, ni sac ni sandale, seulement une mission conjointe à une liberté certaine, celle de servir celui qui envoie. Enlever ses sandales, ne pas en porter, à la fois comme une manifestation de liberté et un témoignage de service : il est de ces gestes dont on n’épuise pas toujours les possibilités qu’il révèle …
Mais comme les autres chaussures, les sandales ne servent pas qu’à protéger les pieds. Il ne s’agit pas seulement d’avoir des sandales ou pas et de les chausser ou pas. Elles ont toujours une valeur symbolique, en général l’accentuation de la symbolique des pieds qu’elles recouvrent et enveloppent, avec le paradoxe que les pieds représentent à la fois ce qui permet à l’humain de se tenir debout et de se déplacer, donc une image de puissance et en même temps c’est la partie du corps la plus susceptible d’être salie, contaminée par un contact impur ou répugnant. Ainsi on enlève ses chaussures par exemple pour ne pas salir un intérieur, un lieu (surtout si c’est un lieu sacré) et en même temps porter des chaussures (des sandales) est un signe de force , de puissance, de pouvoir (les esclaves vont pieds nus).
Faisons d’abord un tour du coté de l’Ancien Testament où l’hébreu Na”aR est traduit par hupodema dans la version grecque de la Septante, par “sandale” en français. Par deux fois, la sandale est l’objet servant à signer un accord ou un désaccord. Dans le livre du Deutéronome (25,9), la loi dite du lévirat oblige un homme à prendre pour épouse la femme de son défunt frère si celui-ci est décédé sans enfant. Le premier fils qui naîtra de ce mariage perpétuera le nom du frère décédé. Mais si un homme refuse d’épouser sa belle-sœur devenue veuve, celle-ci, devant les anciens rassemblés, lui retirera sa sandale du pied et lui crachera au visage. Le texte se termine ainsi :
«Voilà ce qu’on fait à un homme qui ne reconstruit pas la maison de son frère.
Et en Israël, on l’appellera “maison du déchaussé”.»
Et ce n’est certainement pas une bonne réputation faite à cette maison, ni à cet homme ! Une seule sandale, un seul pied nu, et cela ne va plus droit, selon le droit que dit la loi, mais de travers, l’homme et sa maison deviennent bancals, peu sûrs, peu fiables.
Dans le livre de Ruth, c’est une autre coutume faisant intervenir une sandale qui est rapportée. Lorsque le racheteur, celui qui a la priorité pour racheter le champ de Noémi et épouser Ruth, cède son droit à Booz, il enlève sa sandale et la donne à Booz (Ruth 4,7). Il s’agit là de l’expression d’une autre symbolique : la sandale (la chaussure) signifie la propriété. Dans le livre de Ruth, retirer sa sandale et la donner, c’est renoncer à la propriété du champ. L’idée est que mettre le pied sur un terrain est l’équivalent d’une prise de possession, mais pas un pied nu, un pied chaussé puisque le pied chaussé est synonyme de force, de maîtrise : c’est le pied du soldat, ou du maître. Cette compréhension est largement répandue dans le bassin méditerranéen et des jeux, échanges de sandale ou chaussure avaient encore cours, il y a peu, dans certaines cultures, pour des affaires ayant trait à une question de propriété.
Ceci explique un autre emploi du mot sandale dans l’Ancien Testament, à l’occasion d’un événement rappelé dans le Nouveau Testament, dans le livre des Actes, au discours d’Etienne. Voici ce que rappelle Etienne :
« Au bout de 40 ans, un ange apparut à Moïse au désert au mont Sinaï, dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse, étonné par cette vision, voulut s’approcher pour regarder ; la voix du Seigneur se fit entendre : Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Tout tremblant, Moïse n’osait plus regarder. Alors le Seigneur lui dit :
“Ôte les sandales de tes pieds car le lieu où tu te tiens est une terre sainte.” ...»
——————————————————(Actes 7,30-33)
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———————Moïse au buisson ardent (fresque), Boticelli
Moïse pieds nus devant le buisson ardent, c’est le récit du livre de l’Exode, au chapitre 3. Pourquoi ôter les sandales ? Justement parce que le pied chaussé marquerait une propriété sur ce coin de désert. Or le Seigneur est là, le Seigneur parle, et c’est lui le maître, le propriétaire du sol. Moïse est là comme un serviteur, que le Seigneur va envoyer en mission pour faire sortir son peuple d’Egypte. Comme un serviteur, humblement, Moïse se tient là pieds nus, sans savoir encore jusqu’où ses pieds le porteront.
Peut-être aussi peut-on penser qu’à sentir le sol, la terre sous la plante de ses pieds, l’homme se souvient qu’il est fait de cette terre, qu’il est partie intégrante, créature dans la création et qu’il est plus difficile de se prendre pour dieu, pour un dieu, quand on a ainsi la sensation d’être tiré du sol. Ce n’est pas grand chose, une semelle de sandale, mais cela pourrait aider à perdre la tête !
Nous voici arrivés maintenant à la célèbre affirmation de Jean le Baptiste, alors que Jésus n’est pas encore venu auprès de lui pour être baptisé :
——« Celui qui vient après moi est plus fort que moi :
——je ne suis pas digne de lui ôter ses sandales »
——————————————————(Matthieu 3,11)
Ou encore dans l’évangile selon Marc :
——«Celui qui est plus fort que moi vient après moi,
——et je ne suis pas digne, en me courbant,
——de dénouer la lanière de ses sandales. »
——————————————————(Marc 1,7)
Et chez Luc :
——« Il vient, celui qui est plus fort que moi
——et je ne suis pas digne de délier la lanière de ses sandales »
——————————————————(Luc 3,16)
Dans l’évangile de Jean on lit :
——« Il vient après moi et je ne suis même pas digne
——de dénouer la lanière de sa sandale. »
——————————————————(Jean 1,27)
Et lorsque Luc inscrit à nouveau cette parole dans le livre des Actes, il la place dans la bouche de Paul rapportant ces paroles du Baptiste dans une prédication aux juifs d’Antioche de Pisidie :
——« Jean disait : “Qui supposez-vous que je suis ?
——Ce n’est pas moi ! Mais voici que vient après moi quelqu’un
——dont je ne suis pas digne de délier les sandales.” »
——————————————————(Actes 13,25)
Tout cela pour remarquer que ce n’est pas si fréquent qu’une parole soit répétée cinq fois dans le Nouveau Testament. Une telle unanimité sur cette annonce du Baptiste indique fortement la volonté des évangélistes de l’inscrire comme un charnière entre un monde ancien et le nouveau monde, comme un précurseur, comme celui qui annonce un autre. Autant tous lui reconnaissent un rôle éminent, autant il s’agit de laisser la première place à Jésus. Jean le baptiste porte donc lui-même témoignage de ce qu’il est plus petit, moins fort que Jésus avec cette image de la lanière de sandale qu’il n’est pas digne, lui, Jean, de délier. Comme s’il n’était même pas digne d’être l’humble serviteur de celui qui vient. Car le fort, Jean annonce celui qui est plus fort que lui, le fort, c’est le Dieu d’Israël. « Il faut qu’il grandisse et que je diminue » dit le Baptiste dans l’évangile de Jean (3,30). Le grandissement, l’élévation, mais finalement la reconnaissance de Jésus comme Seigneur, Fils de Dieu va de pair avec l’humilité des témoins, Jean le baptiste, mais aussi Paul dans d’autres termes. La distance entre le Baptiste et Jésus est marquée par la sandale et cette sandale signifie l’indignité ou l’incapacité de Jean face à Jésus.
Il est alors d’autant plus étonnant et signifiant de lire dans l’évangile de Jean, au chapitre 13, le récit du repas pendant lequel Jésus lui-même lave les pieds de ses disciples. La symbolique pieds ou sandale est la même. C’est alors comme si Jésus effectuait le chemin inverse de celui décrit par le Baptiste, et se diminuait pour que grandissent ses disciples.
Alors si une sandale, hupodema, est finalement une petite chose, ses traces, ses empreintes dans le texte biblique disent quand même des choses importantes, des choses à suivre …
Dominique HERNANDEZ[/quote]
[quote=Dominique Hernandez]Anankê, c’est la personnification de la nécessité. C’est une divinité très ancienne, plus ancienne que Zeus. D’ailleurs, c’est une fille d’Anankê, Adrastée, qui sera chargé par la déesse Rhéa de protéger l’enfant Zeus de l’appétit de son père Cronos. Pour certains auteurs, mais en matière de généalogie divine, ils ne sont pas tous d’accord, pour certain auteurs et en particulier Platon, Anankê est également la mère des Moires. Dans le mythe d’Er qu’on peut lire au livre X de La République de Platon, les Moires sont les trois déesses responsables du sort qui échoit aux âmes lors de leur retour dans le monde des vivants grâce à une réincarnation. Elles touchent pour cela un fuseau posé sur les genoux de leur mère Anankê. Les Moires représentent ainsi le destin, associé à la notion de récompense et de punition par rapport à la vie passée du défunt.
Nécessité, mère du destin, Anankê touche ainsi au plus près l’existence des hommes (et même des dieux). Elle n’est cependant pas beaucoup vénérée en tant que déesse, sauf dans l’orphisme, ce culte à mystère pour lequel l’être humain erre de réincarnation en réincarnation car il a oublié son origine divine, ce dont il lui faut se souvenir par des procédés de purification.
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————————(Anankê, représentée sur un vase antique)
Mot commun aux échos multiples, anankê mêle surtout le tragique aux existences et si les tragédies grecques imprègnent si profondément la culture, c’est que nul ne peut échapper au filet du destin, ni Œdipe, ni Iphigénie, ni Hélène, ni Achille. Et même les dieux qui jouent tant avec les sentiments et les réactions des humains ne sont pas à l’abri des impératifs de la nécessité.
Beaucoup plus récemment, c’est avec Victor Hugo qu’anankê trouve une éminente place dans la littérature française, puisque c’est après avoir vu, lu un “anankê” graffiti/graffité sur les murs de la cathédrale Notre-Dame que le grand homme écrivit le roman, la tragédie “Notre Dame de Paris”. Victor Hugo emploie même le vocable tel quel dans plusieurs œuvres ; par exemple le poème “Bon conseil aux amants” commence par ces mots :
———« l’amour fut de tout temps un bien rude anankê».
Ou encore dans “Au cheval” :
———« Brise anankê, ce lourd couvercle,
———sous qui, tristes, nous étouffons».
Cette dernière expression, comme un appel à l’aide désespéré, révèle la tristesse de la condition humaine quand elle se comprend comme soumise, contrainte par la nécessité et le destin, la fatalité. Soumission, enfermement, impuissance, enchaînement implacable, tragédie inéluctable, cette vision de l’existence humaine est-elle celle des écrits du Nouveau Testament ?
Anankê dans le Nouveau Testament
L’utilisation d’anankê dans ces écrits livre quelques renseignements.
Le premier, c’est la relativement faible utilisation du terme : peu d’occurrences à anankê, une vingtaine, qu’une édition en français comme celle de la Traduction Œcuménique de la Bible (TOB) répartit assez largement sous le signe de la contrainte, traduction la plus fréquente (presque la moitié des cas), évidemment aussi la nécessité mais également la détresse, l’angoisse, voire la misère. Anankê paraît déjà bien déchue de la position primordiale qui est la sienne dans la Grèce antique.
Le registre est incontestablement négatif alors voyons de plus près ce qu’il en est.
• Dans les évangiles, il faut chercher l’anankê car on ne la trouve que deux fois, chez Luc et chez Matthieu. Dans l’évangile de Luc, une parabole met en scène un homme qui organise un grand festin. Cependant, les invités répondent au serviteur venu les avertir que tout est prêt qu’ils ont autre chose à faire : l’ un a acheté un champ – il doit aller le voir, un autre une paire de bœufs –il faut aller s’en occuper, un autre encore vient de se marier –il est retenu à son foyer. Les invités ne viennent pas, alors le maître de maison envoie son serviteur chercher les pauvres, les estropiés, les aveugles qui sont dans les rues pour remplir sa maison.
Et comme il reste encore de la place, il dit à son serviteur :
« Va-t-en par les routes et les jardins,
et force les gens à entrer, afin que ma maison soit remplie. Force les gens à entrer. »
—————————————(Matthieu 22,9 // Luc 14,23)
Voici anankê sous la forme verbale. Aux nécessités du monde représentées par les excuses des invités répond la nécessité de Dieu, ici le maître de maison, qui veut que sa maison soit remplie, et qu’à l’abondance du festin répondent la multitude des convives. D’ailleurs, il semble que l’espace de sa maison se multiplie, s’élargisse au fur et à mesure que les gens entrent. Les bénéficiaires de la fête viennent, pour les derniers, de loin, ils ont inconnus, étrangers, voire étranges, mais peu importe, l’important étant que le plus grand nombre prenne part au repas. La force employée pour les faire entrer dans la maison est-elle la force de la contrainte ?
Une telle interprétation est dangereuse, on voit bien à quels abus elle peut conduire, elle a conduit, quand l’Eglise se prend pour l’armée d’un Dieu auquel nul ne doit résister. C’est alors que la fête dérive en tragédie, oppression, condamnation, mise à mort, quand la notion de contrainte n’est pas revisitée par l’Evangile qui la transforme en persuasion, quand l’emploi de la force armée n’est pas converti en force de conviction. Ils seront nombreux à pâtir de cette interprétation légitimée par Augustin lui-même. Ainsi les protestants souffriront beaucoup de la justification religieuse de la violence contre laquelle un Pierre Bayle par exemple s’élèvera avec vigueur et talent pour affirmer que, de la contrainte, ne peut pas naître la foi.
• L’évangile de Matthieu place anankê dans la bouche de Jésus répondant à une question des disciples qui veulent savoir qui est le plus grand dans le Royaume des Cieux (Matthieu 18). Jésus commence par placer un enfant au milieu d’eux, puis poursuit sur les petits :
« Quiconque entraîne la chute d’un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui attache au cou une grosse meule
et qu’on le précipite dans l’abîme de la mer.
Malheureux le monde qui cause tant de chutes !
Certes, il est nécessaire (anankê) qu’il y en ait,
mais malheureux l’homme par qui la chute arrive ! »
———————————————(Matthieu 18,6-7)
La chute, plus exactement dans le texte le scandale, c’est qu’un petit perde la foi en Christ à cause du comportement, des paroles du monde ou d’un homme. Le souci de Matthieu est de mettre en garde les membres de la communauté chrétienne, de les appeler à la plus grande vigilance. Puisque d’une part le scandale est une réalité inhérente (anankê) du monde, monde en tant qu’espace où œuvre le mal, et puisque d’autre part la communauté existe dans le monde qui est aussi l’espace dans lequel se déploie sa mission, ses membres doivent particulièrement veiller à ne pas se laisser entraîner à participer au scandale, veiller à ne pas succomber à cette menace qui existe réellement. A la nécessité du monde, aux contraintes provoquées par les effets du mal dans le monde, Matthieu répond par l’exhortation à la résistance de la foi, ce qui signifie bien qu’il n’est pas de fatalité du mal; une puissance active, certes, mais à laquelle le dernier mot n’appartient pas.
Quant à l’apôtre Paul, le terme anankê lui est un peu plus familier qu’aux évangélistes. Il peut s’agir pour lui de mettre en avant la liberté des engagements du chrétiens dans des domaines aussi divers que le célibat ou la collecte. Aucune contrainte ne saurait être exercée et si l’on préfère se marier plutôt que de rester célibataire, qu’il en soit ainsi !
En revanche, il est des contraintes dont Paul fait état à plusieurs reprises dans la seconde épître aux Corinthiens (2 Corinthiens 6 et 12 et en 11) : ce sont celles qu’il subit en tant qu’apôtre, et elle sont nombreuses : coups, insultes, prisons, émeutes, fatigues, veilles … mais il y a également ses propres faiblesses et contraintes, par exemple la maladie. Or ces contraintes aussi lourdes et périlleuses soient-elles n’altèrent en rien la conviction de Paul ni son engagement dans son apostolat. Car sa confiance est en Christ, elle s’appuie sur l’amour de Dieu que rien ne éloigner ni affaiblir et cette confiance lui permet d’intégrer toutes ces expériences dans son existence non comme des signes de sa propre excellence, mais comme l’effet, ainsi qu’il l’écrit, de ce que c’est Christ qui vit en lui et que lui, Paul, ne vit que de ce qui lui est donné par la grâce de Dieu. Ces dons de joie et de liberté sont indépendants des vicissitudes de son ministère et de son existence mais lui permettent de les affronter, de les traverser sans rien perdre de son identité.
S’il est alors une nécessité pour Paul, c’est celle d’annoncer l’Evangile, ainsi qu’il l’écrit, toujours aux Corinthiens, dans la première épître au chapitre 9 :
“Car annoncer l’Evangile n’est pas un motif d’orgueil pour moi, c’est une nécessité qui s’impose à moi :
malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile ! ”
———————————————(1 Corinthiens 9,16)
Dieu veut se servir de lui, Paul, faible, avorton comme il le dit de lui-même, pour porter témoignage de la puissance de l’Evangile et Paul répond à cette logique folle devant les raisons du monde, à cette confiance qui casse la logique de la Loi.
Il reste qu’un emploi d’anankê par l’apôtre pose un problème, justement par sa conformité à la logique du monde. Il s’agit du célèbre passage de l’épître aux Romains (chapitre 13,1-7) où Paul traite de la soumission aux autorités. Il commence ainsi :
“Que tout homme sois soumis aux autorités qui exercent le pouvoir, car il n’y a d’autorité que par Dieu et celles qui existent sont établies par lui.”
Paul poursuit un peu plus loin :
“C’est pourquoi il est nécessaire de se soumettre,
non seulement par crainte de la colère,
mais encore par motif de conscience.”
La raison avancée par Paul semble assez stupéfiante : c’est que toute autorité étant suscitée par Dieu, elle concourt naturellement au bien et s’oppose au mal. Voici un optimisme bien souvent démenti par l’exercice du pouvoir lui-même, à n’importe quelle époque qu’on se situe. On voit tout de suite le danger d’un tel argument, les contraintes, oppressions et misères qui découleraient d’une telle légitimation du pouvoir. La conscience ne porterait-elle pas justement à une critique de l’autorité plutôt qu’à une soumission sans condition ?
L’ordre de l’empire romain approche-t-il donc l’idéal du bien suggéré par Paul ?
Lorsque l’apôtre écrit, dans les années 50, le pouvoir impérial n’est pas ouvertement et franchement hostile au christianisme et celui-ci peut encore compter sur une relative neutralité et sur des lois qui valent toujours mieux que le chaos. Mais il suffira de quelques années pour que l’empire se sente menacé par les idées et les pratiques des chrétiens et les persécutions se déchaîneront, à grande ampleur. C’est dans le même corpus du Nouveau testament que nous pouvons alors lire une nouvelle compréhension de l’empire comme irréductiblement antagoniste de la foi. Le livre de l’Apocalypse s’élève vigoureusement contre l’empereur qui se prend pour un dieu, au nom du Dieu dont le Christ a été crucifié comme un malfaiteur mais qui est le seul souverain de l’univers.
Vous connaissez peut-être l’expression : nécessité fait loi. Mais si anankê a pu gouverner les esprits et les enfermer dans le destin, elle ne peut plus régner sur ceux qui en Christ sont devenus de nouvelles créatures.
Dominique HERNANDEZ
—•o0O0o•—
L'article qui précède est le texte de l'émission
“Un mot de la Bible” sur Fréquence Protestante 100.7 FM
du samedi 27 janvier 2007.[/quote]
Re: un mot (Grec) de la bible
C'est très sympa de jouer à l'helléniste, mais "hupo", c'est DESSOUS et pas DESSUS. Je précise que du grec, j'en fais, et que même sans cela, quand on dit "hypermarché", on comprend que c'est "hyper" qui veut dire "dessus" et pas "hupo". Désolé.
In reply to Re: un mot (Grec) de la bible by Pale Rider
Re: un mot (Grec) de la bible
et Hypo signifie dessous, comme dans "hypoderme"
Hypo est le contraire de hyper
In reply to Re: un mot (Grec) de la bible by Pale Rider
Re: un mot (Grec) de la bible
Désolé de nosu interesser à votre langue alors....
Promis, on ne s'y interessera plus.
Et promis, l'erreur est inhumaine, d'ailleurs, toi, t udois être un uit de science.
Pourquo itant de condescendance dans tes propos ?
Faites d'abord du grec!
C'est très sympa de jouer à l'helléniste, mais "hupo", c'est DESSOUS et pas DESSUS. Je précise que du grec, j'en fais, et que même sans cela, quand on dit "hypermarché", on comprend que c'est "hyper" qui veut dire "dessus" et pas "hupo". Désolé.