VOYAGE DU JEUNE ANACHARSIS EN GRECE dans le milieu du quartrième siècle avant l'ère vulgaire.
Par J.-J. Barthélemy (1716-95), académicien en 1789. Cet ouvrage connu un immense succès, une trentaine d'année avant le soulèvement de la Grèce, et contrbua à la sensibilisation des Philhellènes.
AVERTISSEMENT
Je suppose qu'un Scythe, nommé Anacharsis,vient en Grèce quelques années avant la naissance d'Alexandre, et que d'Athènes, son séjour ordinaire, il fait plusieurs voyages dans les provinces voisines, observant par-tout les moeurs et les usages des peuples, assistant à leurs fêtes, étudiant la nature de leurs gouvernemens, quelquefois consacrant ses loisirs à des recherches sur les progrès de l'esprit humain, d'autres fois conversant avec les grands hommes qui florissoient alors, tels qu'Epaminondas, Phocion, Xénophon, Platon, Aristote, Démosthène, etc. Dès qu' il voit la Grèce asservie à Philippe père d'Alexandre, il retourne en Scythie ; il y met en ordre la suite de ses voyages ; et pour n'être pas forcé d'interrompre sa narration,il rend compte dans une introduction, des faits mémorables qui s'étoient passés en Grèce avant qu'il eût quitté la Scythie.
L'époque que j'ai choisie, une des plus intéressantes que nous offre l'histoire des nations,peut être envisagée sous deux aspects. Du côté des lettres et des arts, elle lie le siècle de Périclès à celui d' Alexandre.
Mon Scythe a fréquenté quantité d'Athéniens qui avoient vécu avec Sophocle, Euripide, Aristophane, Thucydide, Socrate, Zeuxis et Parrhasius. Je viens de citer quelques-uns des écrivains célèbres qu'il a connus ; il a vu paroître les chef-d'oeuvres de Praxitèle, d'Euphranor et de Pamphile, ainsi que les premiers essais d'Apelle et de Protogène ; et dans une des dernières années de son séjour en Grèce, naquirent Epicure et Ménandre.
Sous le second aspect, cette époque n'est pas moins remarquable. Anacharsis fut témoin de la révolution qui changea la face de la Grèce, et qui, quelque temps après, détruisit l'empire des Perses. à son arrivée, il trouva le jeune Philippe auprès d'Epaminondas ; il le vit monter sur le trône de Macédoine, déployer pendant 22 ans
contre les Grecs toutes les ressources de son génie, et obliger enfin ces fiers républicains à se jeter entre ses bras.
J'ai composé un voyage plutôt qu'une histoire, parce que tout est en action dans un voyage, et qu'on y permet des détails interdits à l'historien. Ces détails, quand ils ont rapport à des usages, ne sont souvent qu'indiqués dans les auteurs anciens ; souvent ils ont partagé les critiques modernes. Je les ai tous discutés avant que d'en faire usage. J'en ai même, dans une révision, supprimé une grande partie ; et peut-être n'ai-je pas poussé le sacrifice assez loin.
Je commençai cet ouvrage en 1757 ; je n'ai cessé d'y travailler depuis. Je ne l'aurois pas entrepris, si moins ébloui de la beauté du sujet, j'avois plus consulté mes forces que mon courage.
Les tables que je place après cet avertissement, indiqueront l'ordre que j'ai suivi.
(à suivre...)