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Themistoklis Vokos : les Grecs restent maîtres dans la marine marchande

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Au pays des armateurs
Rencontre autour de Posidonia, plus grand salon mondial de la marine

Themistoklis Vokos, président de Posidonia Exhibitions

L'industrie mondiale de la marine marchande a rendez-vous à Posidonia, plus grand salon, qui se tient du 7 au 11 juin à Athènes, à un moment où, d'une part, le marché subit l'assaut de la Chine et, d'autre part, les conséquences des transports maritimes sur l'environnement sont montrées à l'index. Explications avec Themistoklis Vokos, organisateur de l'exposition.

Angélique Kourounis : Monsieur Vokos, Posidonia, est le plus grand salon itnernational de la marine depuis près de 40 ans maintenant. Quoi de neuf à Posidonia 2010 ?

Thémistoclis Vokos : L'exposition Posidonia cette année sera différente à 2 niveaux : elle sera la plus importante des 40 ans de son existence. Il y a 12% d'augmentation des exposants, soit, cette année, 1855 exposants provenant de 87 pays différents. C'est la première fois dans l'histoire de Posidonia que nous atteignons un tel chiffre. Il prouve qu'après la crise de 2008 la marine marchande se reprend. Elle n'est pas encore au niveau d'avant 2008, mais c'est une industrie solide, qui a retrouvé ses marques, pleine d'avenir et qui fonctionne à nouveau normalement. L'autre caractéristique de Posidonia est d'être un élément positif dans l'image négative qu'a notre pays ces six derniers mois dans les media. Posidonia montre que certaines choses fonctionnent dans ce pays. Il est des domaines où nous sommes les premiers, et dans le domaine de la marine marchande nous sommes le numéro un mondial. Les gens oublient ça parfois.

A. K. : L'année dernière, cependant, le Japon a dépassé la Grèce en terme de nombre de navires.

T. V. : Effectivement, mais la Grèce reste le numéro un en terme de nombre de tonnage. Cela reflète un choix conscient des armateurs qui préfèrent désormais investir dans de nouveaux bateaux qui ont une plus grande capacité en tonnage et une plus grande longévité. Aujourd'hui la caractéristique des armateurs grecs est qu'ils ne recherchent plus la quantité en bateaux, comme c'était le cas dans le passé, mais un transport maritime de qualité. Ils veulent de grands bateaux modernes, sûrs, avec lesquels ils peuvent transporter toutes les marchandises de leur choix.

Des hommes d'affaires Chinois au Salon Posidonia. ANA/O.Panagiotou

A. K. : Qu'en est-il de la présence des Chinois, particulièrement dynamiques depuis deux ans ?

T. V. : Cette année encore vous n'échappez pas à la présence de l'Extrême Orient. C'est une force montante et tant que nous, les Grecs, construirons nos bateaux chez eux, l'Extrême Orient viendra exposer à Posidonia.

Cette année nous avons 45% d'augmentation d'exposants en provenance de l'Extrême Orient. On a deux pavillons chinois mais ce dont nous sommes très fiers, c'est que, pour la première fois, nous avons un pavillon indien.

La marine marchande indienne a vu qu'il y avait une opportunité pour elle de venir exposer à Posidonia pour approcher les armateurs, les chantiers navals et la marine marchande grecque. Vous savez que les chantiers navals indiens passent en ce moment par une période de transition. Spécialisés jusqu'ici dans le démantèlement de navires que nous connaissons tous, ils en viennent à la construction de navires de qualité. Désormais, ils estiment que leur les clés de leur développement se trouvent en Grèce.

A. K. : La Chine est une puissance navale montante. Elle construit cinq chantiers navals et elle transporte de plus en plus ses produits. Alors, combien de temps ont les Grecs avant de se voir supplanter leur primauté sur les mers ?

T. V. : C'est un fait que méthodiquement et régulièrement le nombre de produits chinois transportés par des Chinois augmente. Ils se disent, puisque nous les produisons, pourquoi ne les transporterions-nous aussi ? Mais vous savez, dans les années 80, les sociétés pétrolières ont eu le même raisonnement : puisque nous avons le pétrole, pourquoi ne le transporterions-nous nous mêmes, pourquoi donner l'argent aux Grecs ? Et puis, il y a eu les crises qu'ils non pas su gérer. Ils ont acheté des tankers qu'ils ont été obligés plus tard de revendre à perte et ils ont perdus des millions et des millions de dollars. Cet exemple, donc, pour vous dire que la marine marchande est un marché très particulier qui a besoin d'une grande expertise. C'est un marché qui nécessite une grande flexibilité et un savoir faire dans lequel les Grecs sont maîtres. Ils l'ont prouvé à maintes reprises. Les Chinois vont certainement dans les années à venir transporter de plus en plus de produits à eux, mais malgré cela, ils n'osent pas se charger entièrement de ce transport. Toutes les informations que nous avons vont dans ce sens. Et puis le transport maritime est le transport le plus productif qui soit. C'est un marché énorme. En avion, c'est trop cher et le train ne va pas partout. Tant qu'il y aura un besoin de transport de matières premières et de biens de consommation, on aura besoin de bateaux. Votre appareil photo, votre stylo, votre magnétophone sont arrivés ici par bateau. Ce n'est pas un hasard.

A. K. : Et du côté arabe ?

T. V. : Nous avons là aussi une présence renforcée, mais ils offrent surtout du service. Il s'agit essentiellement de relations de clientèle dans le sens où beaucoup de sociétés pétrolières arabes, qui font du service bancaire et qui travaillent avec les Grecs, viennent à Posidonia. Les arabes ne construisent pas de navires, mais ils voient désormais une ouverture sur l'économie grecque. Ce n'est pas un hasard si Abou Dhabi Marketing a acheté les chantiers navals grecs. Posidonia est pour eux une plateforme pour voir ce qui se passe dans le marché de la marine marchande grecque et trouver des occasions d'investissements.

A. K. : Et, pour vous, qu'est-ce qu'est le plus important ? Les constructeurs ou les investisseurs ?

T. V. : La marine marchande est internationale et c'est parce qu'elle est internationale et qu'elle concerne le monde entier, qu'il est très difficile de la compartimenter. On ne peut pas dire « l'Extrême Orient m'intéresse pour les chantiers navals, et tel autre pays pour autre chose. » Il y a simplement des spécialisations, susceptibles d'évoluer dans le temps. Aujourd'hui, nous avons, les constructions navales en Extrême Orient, les services spécialisés de haute qualité en Europe, la très haute technologie aux Etats Unis, sans oublier les pays scandinaves qui ont le savoir faire du off shore, en plein développement.

A. K. : L'accident en Louisiane, avec la problématique de la pollution marine qui resurgit, jette-t-il une ombre à Posidonia ?

T. V. : Posidonia et la marine marchande grecque ont prouvé que partout où il y a la possibilité d'utiliser des technologies amicales envers l'environnement, on les utilise. Comme vous savez les nouvelles commandes que passent les armateurs grecs se font selon les tout derniers standards de protection de l'environnement. On essaye d'utiliser les technologies qui utilisent le moins possible de pétrole. C'est une politique continuelle et stable dans le monde de la marine marchande, en tout cas pour les armateurs grecs. Le problème est que la marine marchande est tellement productive et le pourcentage d'accidents et tellement faible que finalement quand quelque chose arrive, il y a une immense publicité qui lui est donné. C'est un problème d'image de la marine marchande qu'on discute depuis des années. La marine marchande n'est pas extravertie, elle ne s'occupe que de son travail, elle le fait bien, et malheureusement elle néglige de le faire savoir au citoyen lambda de cette planète. Elle ne lui dit pas, regardez, on travaille comme il faut, et les incidents sont minimes. Mais il est vrai que, si quelque chose arrive, il peut avoir des conséquences désagréables.

A. K. : Il a fallu tout de même un grand nombre d'accidents pour obliger les armateurs à construire des navires à double coque pour limiter la pollution maritime en cas d'accidents. Cela ne c'est pas fait tout seul !

T. V. : Ecoutez, chaque industrie a son temps de réaction. Et puis, il y en a qui font leur travail correctement et d'autres non. Ceux qui le font bien et qui ne rentrent pas dans le palmarès des accidents catastrophiques se posent la question : pourquoi devons-nous entreprendre ces investissements puisque la faute incombe à d'autres ?

C'est un effet domino qui en fin de compte a entraîné les fautif comme les non fautifs dans la marine marchande à se réorganiser en fonction de ces accidents. Graduellement tous les armateurs ont réagit positivement. Mais je ne crois pas qu'il y ait une seule industrie au monde qui, du premier coup, se mette à changer son mode de fonctionnement. Ceci étant dit je tiens à souligner que le système juridique est très disparate. Ce qui est considéré polluant pour un pays ne l'est pas pour un autre. Les côtes américaines ont leurs propres valeurs, l'IMO d'autres et l'Union Européenne encore d'autres.

A. K. : Cela pose, quand même, un problème !

T. V. : Oui bien sûr, car chacun par la suite agit en fonction de l'organisme auquel il appartient pour ces questions de sécurité et de pollution maritimes. Une harmonisation serait nécessaire et bienvenue.

A. K. : Comment Posidonia se positionne-t-il par rapport aux autres salons de marine marchande ?

T. V. : Il y a trois autres grandes expositions dans le monde : la North Shipping en Norvège, la Merchant à Shanghaï, la SMM à Hambourg, mais Posidinia peut compter sur la plus grande clientèle au monde, la marine marchande grecque. C'est ainsi que ça a commencé d'ailleurs. Ceux qui travaillent avec les Grecs se doivent de venir à Posidonia. Avec le temps, bien sûr Posidonia est aussi devenu un grand marché mondial. Ici, à Posidonia, l'armateur argentin va commander un bateau aux Chinois! C'est l'exposition la plus grande qui soit en matière de marine marchande. Par exemple, la SMM en Allemagne a une spécialisation dans la machinerie. En Norvège, il est essentiellement question de off shore, à Shanghaï, on s'occupe surtout de constructions, mais, ici, on peut tout faire, tout conclure, tout trouver.

A. K. : Qu'attendez-vous de Posidonia 2010 ?

T. V. : Pour nous, la réussite ce serait que nos exposants aient conclu toutes les affaires qu'ils s'étaient fixés. Mais, surtout, on veut renvoyer vers l'extérieur une image positive de la Grèce. Cette année on en a vraiment besoin ! C'est dommage, alors qu'il y a tellement de publications négatives dans le pays, qu'on ne mette pas en avant ce qui est positif. Nous avons cependant un regret et je voudrais le souligner : l'Etat ne soutient pas assez le tourisme d'exposition qui pourrait avoir un grand avenir dans le pays. Par exemple Posidonia rapporte 60.000.000 d'euros et, malgré ça, nous n'avons toujours pas d'infrastructures spécifiques au pays. Ce que les autorités n'ont toujours pas compris, c'est que le tourisme d'exposition se renouvelle chaque année. Nous avons vraiment besoin d'un centre d'exposition permanent, moderne, international de 30 à 35.000 m2 au Pirée où pourront avoir lieu tous les deux ans les Posidonia. Et, comme nous ne l'avons pas, pour la première fois de leur historie les Posidonia auront lieu dans l'ancien aéroport Ellénikon.

Propos recueillis par
Angélique Kourounis
Athènes

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