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Victoire des islamistes en Turquie: une provocation à redéfinir l'Europe et la diplomatie grecque

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Από iNFO-GRECE,

Si la victoire du Parti de la Justice et du Développement d'inspiration islamiste en Turquie le week-end dernier a fait couler beaucoup d'encre, ce fut toutefois une victoire sans surprise pour les observateurs attentifs de la situation en Turquie. Il n'empêche que ce changement confine la diplomatie grecque un peu plus dans son isolement régional et international, alors que le Premier ministre grec Costas Simitis continue sa tournée des capitales européennes en rencontrant cet après-midi le Président Jacques Chirac à Paris.


Dans deux mois, la Grèce doit assumer la présidence tournante de l'Union Européenne pour six mois. Les Grecs assument déjà certaines tâches de la politique extérieure et de la défense de l'Union depuis juillet dernier à cause du statu particulier du Danemark dans l'Union Européenne. Si le gouvernement grec a soigneusement évité de faire des vagues durant cette période, il n'a pas non plus brillé par ses initiatives. Or, depuis septembre et à l'approche de l'adhésion de Chypre dans l'Union Européenne une intense activité diplomatique a été entreprise auprès des autres pays-membres qui n'a pas manqué de surprendre par son originalité.

Traditionnellement sinon hostile du moins réservée à l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne, la Grèce opérait un virage à 180° en voulant accélérer un processus d'adhésion de la Turquie qu'aucun européen n'est vraiment pressé de voir arriver. Tant que la Grèce opposait son veto à l'entrée de la Turquie à l'UE, les autres pays pouvaient dormir tranquilles et cultiver leurs relations commerciales et amicales avec le candidat encombrant. En effet, l'arrimage de la Turquie en Europe s'il comporte des avantages commerciaux certains avec ses 65 millions de consommateurs il présente néanmoins d'épineuses questions sur les frontières théoriques de l'Union Européenne et sur son unité culturelle ? En quoi la Turquie est-elle économiquement plus européenne que les pays de l'Afrique du Nord, partenaires traditionnels des échanges commerciaux du bassin méditerranéen et de sa rive nord ? Et si la Turquie musulmane peut-elle prétendre à partager l'histoire et la culture européenne, n'en va pas-t-il de même des pays du Maghreb ? L'ancien Président français Valery Giscard d'Estaing actuellement Président de la Convention Européenne en charge de préparer une future "Constitution européenne" et à réfléchir sur les problèmes liés à son élargissement, a posé il y a quelques jours avec une certaine malice la question que personne n'ose aborder de voix haute en suggérant qu'il puisse avoir dans les préambules européens une référence à… Dieu, le Dieux commun des européens, mais certains ne manqueront pas de voir que c'est aussi le Dieu commun des trois religions monothéistes.

A ces questions de fond la Grèce a été particulièrement absente, préférant l'aspect plus pragmatique des choses quitte à apparaître comme étant en manque d'idées. Si l'Europe faisait preuve de plus de compréhension envers la Turquie, cette dernière pourrait se montrer plus reconnaissante envers la médiation grecque et par conséquent être plus flexible dan le règlement du problème de Chypre. Mais ce faisant le gouvernement grec a montré que non seulement il n'avait pas d'opinion sur l'avenir de l'Europe, mais manquait aussi d'imagination pour trouver de solutions alternatives dans ses relations avec la Turquie. Incités, et avec raison, par les Etats-Unis à se rapprocher par des "petits pas" en laissant de côté leurs querelles historiques, la Grèce et la Turquie ont connu une période d'une certaine accalmie, voir même un petit idylle à la suite de la solidarité qui s'est développée après le tremblement de terre qui a eu lieu en Turquie en 1999. Une politique incarnée par le ministre des Affaires étrangères grec Georgios Papandreou lequel pouvait aussi compter sur son amitié personnelle avec son homologue turc Ismaïl Cem, jusqu'à ce que ce dernier démissionne du gouvernement turc l'été dernier pour mieux préparer les élections législatives. Dans cette stratégie le bénéfice de la Turquie était évident en terme de relations publiques à destination de l'Europe et des Etats-Unis. Ce l'était moins pour la Grèce, où les violations de l'espace aérien grec par l'aviation turque n'ont jamais été aussi intenses en période de paix, et les menaces d'annexion de la partie occupée de Chypre jamais aussi précises.

L'échec de la formation d'Ismaïl Cem (1% aux élections), qui se présentait comme la plus progressiste et la plus européaniste de la Turquie, dans les législatives turques le week-end dernier sonne aussi comme un désaveu des Turcs à cette politique incarnée par Papandreou et Cem dans les relations greco-turques, même si on doit relativiser puisque le principal souci de la population turque est la situation intérieure et la dégradation de sa condition économique. Il n'empêche que déjà singularisé au sein de l'Europe le couple Simitis/Papandreou perd aussi ses relations privilégiées au sein de l'exécutif turc, tandis que sur la scène politique grecque la dernière information par le Premier ministre des chefs des partis représentés au Parlement sur les questions de politique extérieur et notamment sur la gestion du différent greco-turc autour de l'accord de Défense Union Européenne-OTAN et sur la question chypriote a mis en relief le désaccord de tous les partis de l'opposition, de gauche et de droite, avec la politique gouvernementale.

Est-il encore utile de croire que la Turquie fera machine arrière sur Chypre en échange d'une date de débat des négociations sur son adhésion en Europe ? Rien n'est moins sûr. Même si le Parti de la Justice et du Développement dispose de la majorité absolue au Parlement Turc, le véritable pouvoir en ce qui concerne la politique extérieure turque est entre les mains des militaires lesquels assurent la stabilité laissant aux politiques le soin des relations publiques et du marchandage ; un marchandage habile sans aucune concession.

Le gouvernement grec se targue d'avoir obtenu l'accord d'Helsinki en 1999 où les européens s'engageaient à admettre Chypre au sein de l'Europe dès que les critères habituels seraient remplis, et ce indépendamment du règlement du problème de la division de l'île. " Si aucun règlement n'est intervenu au moment de l'achèvement des négociations d'adhésion, la décision du Conseil relative à l'adhésion sera prise sans que ce qui précède constitue une condition préalable ", notait dans ses conclusions la Présidence finnoises. Mais le gouvernement grec ne proclame pas aussi haut que cela fut en échange de la levée du veto grec sur l'adhésion propre de la Turquie et de la reconnaissance par les pays-membres de la candidature turque et de sa vocation européenne "La Turquie est un pays candidat, qui a vocation à rejoindre l'Union sur la base des mêmes critères que ceux qui s'appliquent aux autres pays candidats", y notait-on alors.

Trois ans après voilà à nouveau le Conseil Européen otage des problèmes greco-turcs. Cette fois, il s'agit de troquer une date précise des négociations avec la Turquie contre une hypothétique souplesse de la Turquie dans les négociations sur le futur statut de l'île. En octobre dernier la Commission européenne donnait une leçon de démocratie et d'européanisme à la Grèce en rappelant qu'elle restait intransigeante sur les critères politiques de l'adhésion de la Turquie et que si la Commission se réjouissait du toilettage législatif concernant notamment la peine de mort et les droits des minorités, fait à la hâte durant l'été, elle attendait de voir des actes. D'autres part les critères dits "de Copenhague" et faisant partie des conditions énoncées à Helsinki étaient loin d'être remplis par la Turquie. Dès lors il devenait clair pour la Commission que l'Union Européenne ne pourrait pas s'engager sur une date de négociations sur l'adhésion de la Turquie. La position de la Turquie sur Chypre n'a de toute façon pas bougé d'un iota. Le secrétaire général des nations-Unies Cofi Annan est acculé à proposer sa propre solution suite aux échecs répétitifs des négociations entre la République de Chypre et le porte-parole des turco-chypriotes. Un plan qui selon les dires du procureur général de Chypre et conseiller du Président Clerides, Alekos Markides, sera un "grand compromis" qui n'aura rien avec "la situation qui prévalait avant 1974 [invasion du Nord de l'île par l'armée turque]". Nous devons "comparer la solution proposée avec la situation d'aujourd'hui et surtout avec un lendemain sans solution", déclarait M. Markides hier dans le quotidien athénien Eleftherotypia. Mais Athènes durant les années de négociation de l'adhésion de Chypre à l'Union Européenne a toujours surestimé les difficultés de l'adhésion ce qui ne faisait qu'augmenter le mérite de la médiation grecque sur le plan intérieur et aux yeux des Chypriotes. Il serait tout de même inconcevable que, sans la médiation grecque, l'Union Européenne rejette la candidature de Chypre qui est le premier des pays candidats à remplir les critères de Copenhague qui risque d'être contributeur net dans le budget de l'Union, et admette en même temps un pays comme la Pologne.

La deuxième hypothèse grecque est qu'une Chypre dans l'Union Européenne, c'est la sécurité de l'île qui se trouve garantie puisqu'une attaque contre un pays-membre de l'Union ce serait comme si l'ensemble de l'Union se trouverait attaquée. S'il en est ainsi en théorie, en pratique l'Histoire a montré qu'il en va tout autrement. Une clause similaire lie les pays-membres de l'Otan, ce qui n'a pas empêché la Turquie d'envahir Chypre en 1974 et de s'y maintenir depuis sans que l'Otan intervienne alors que la Grèce et la Turquie étaient tous deux membres de l'Alliance Atlantique. En protestation, le Président grec de l'époque Constantin Karamanlis, qui venait d'arriver au pouvoir après la chute de la dictature des colonels, sortait provisoirement la Grèce de l'Otan.

La Turquie est le premier allié stratégique des Etats-Unis dans la région après Israël ; rôle que la Grèce voudrait bien lui ravir mais qui n'y arrivera pas tant les relations grecques avec les Etats-Unis sont fondées sur l'amour-haine. En tout état de cause, avec la Grande Bretagne allié traditionnel des Etats-Unis et la Grèce qui ne peut s'affranchir de la tutelle des Etats-Unis où elle dispose d'une importante communauté d'immigrants, l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne ne fera que renforcer l'influence américaine sur l'Union.

L'arrivée aujourd'hui d'un parti d'inspiration islamique en Turquie n'est pas vraiment une surprise. Le 8 juillet 1996, Necmettin Erlsakan, alors chef du Refah le parti fondamentaliste des islamistes (Parti de la prosperité) est premier ministre, mais en 1997 sous la pression des militaires, il démissionne espérant que sa partenaire conservatrice Tansu Ciller lui succédera. Les élections sont emportées par le parti islamique de la Vertu, mais les Président Demirel choisi son premier ministre dans… l'opposition laïque. Un joli bluff. Cette fois, c'est sur Recep Tayyip Erdogan, ancien maire de Constantinople et chef du Parti de la Justice et du Développement, que la pression aura pesé jusqu'à la veille des élections avec un jugement différé in extremis pour "incitation à la haine religieuse". L'ancien Premier ministre Bulent Ecevit considérant même que ce parti constitue une menace pour l'Etat laïc. Depuis son élection, Recep Tayyip Erdogan multiplie les déclarations rassurantes en direction de l'Europe sur la vocation européenne et laïque de la Turquie. Il n'empêche qu'il a commencé sa carrière politique au sein du Parti du salut national (MSP), une formation islamiste aujourd'hui interdite qui s'opposait à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne et militait pour le port du foulard islamique pour les femmes. Mais à ce genre de revirements, la région est habituée. Le Pasok (parti socialise) qui gouverne actuellement en Grèce était aussi un fervent opposant à l'Union Européenne et à l'Otan, lorsqu'il avait accédé au pouvoir. M. Erdogan pourrait amorcer une tournée européenne dans les tous prochains jours en commençant par la Grèce où M. Simitis l'a invité.

Sans doute que M. Simitis et M. Chirac ne manqueront pas d'aborder la nouvelle situation créée par l'arrivée des islamistes au gouvernement en Turquie. Les deux doivent se sentir un peu orphelins. La France à être désormais le seul pays véritablement laïque de l'Europe, la Grèce d'avoir perdu ses amis turcs. Pour les uns comme pour les autres, ce sont des ancrages idéologiques qui ne servaient pas à grand chose si ce n'est à restreindre le champ de vision de nos diplomates. La provocation des élections turques peut être une chance à saisir opportunément pour repenser l'Europe et les relations greco-turques.

Notes complémentaires

Résultats définitifs des élections en Turquie:
-Parti de la Justice et du Développement (AKP, islamique): 34,2%
-Parti républicain du peuple (CHP, gauche laïque): 19,4%
-Parti de la Juste voie (DYP, centre-droit): 9,5%
-Parti de l'action nationaliste (MHP, nationalistes): 8,3%

La barre pour obtenir un siège à la Grande Assemblée nationale est à 10% de voix.

Répartition des sièges:
-AKP: 363
-CHP: 178
-Indépendants: 9

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