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Coup d'oeil sur la denière insurrection des Grecs, suite (6), de Mme Dufrénoy, édité en 1825.

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[i] Cependant l'insurrection s'étendait en Morée et sur les côtes de l'Attique. Les habitants de Négrepont (l'ancienne Eubée) arborèrent l'étendard national. La jeunesse de l'île courut se joindre à l'armée des Grecs, qui, forcés de renoncer au siège de Napoli de Romanie, parce qu'ils manquaient de canons, la bloquèrent étroitement, et lui interdirent toute communication avec la campagne qu'ils ravagèrent. Mais l'inaction dans laquelle l'armée se voyait obligée de se tenir l'ennuya bientôt : elle se débanda ; le gouverneur turc profita de son indiscipline pour tomber à l'improviste, avec huit mille hommes, sur les Grecs dispersés, les tailla en pièces, et se remit en possession de tout le territoire de la ville.

Toutefois les antiques souvenirs de la Grèce qui vivent avec force dans tous les nobles cœurs, prêtaient un vif intérêt à la cause de ses fils régénérés, et les souscriptions s'ouvrirent en leur faveur dont plusieurs parties de l'Europe. Le fils de lord Gordon quitta les délices de Londres, et partit pour la Grèce avec un chargement d'armes et de munitions. Une armée se forma à Athènes sous ses ordres. Mais les concitoyens du jeune lord désapprouvèrent sa conduite, et les Hellènes ne retirèrent pas de sa démarche le fruit qu'ils en attendaient.

Tandis que le cri de l'indépendance retentissait dans presque toute la Morée, les Turcs crétois, ennemis implacables des Grecs, et qui pour la plupart exercent à Smyrne le métier de boucher, couvrirent cette ville d'assassinats. Les janissaires, instruits que les Crétois formaient des projets d'incendie et de pillage, obtinrent de l'autorité le rétablissement du privilège qu'ils avaient eu autrefois, de prendre, en cas de danger, la ville sous leur protection. Comme les janissaires avaient de nombreuses propriétés à Smyrne, les habitants de cette ville recouvrèrent quelque sécurité ; mais la haine, la vengeance et le fanatisme l’emportèrent bientôt dans le cœur des barbares sur leur propre intérêt. Les meurtres se multipliaient, et ils laissaient assassiner les Hellènes sous leurs yeux, même en plein jour. Les Francs, qui avait vu sans émotion le massacre des Hellènes, tombèrent à leur tour victimes de la fureur des assassins. Les consuls des puissances demandèrent justice ; alors le divan envoya à Smyrne le pacha de Césarée ; sa présence imposa aux hommes de sang, qui savaient qu'un pacha a le droit de vie et de mort sur tous les peuples de la province. Mais Assan-Pacha créé mouhafiz ou seigneur de Smyrne, se borna à renvoyer les janissaires de la ville, à blâmer leur conduite, et a menacer leurs chefs de les châtier eux-mêmes, si le sang recommençait à couler.

[center][u]Prise d'une corvette et de deux bricks turcs au mouillage de Milo,
par les Hellènes ;
Ils s'emparent aussi de plusieurs bâtiments turcs dans l'Archipel ; leurs représailles horribles envers les Turcs et envers les juifs ; congrès à Argos.[/u][/center]

Cependant, le pavillon des insulaires flottait partout. Les Turcs, pressés sur tous les points du Péloponnèse et sans espoir d'échapper par la fuite à leurs ennemis, résolurent de s'ensevelir sous les ruines de leur citadelle, plutôt que de se rendre aux Grecs. Des deux côtés c'était une guerre à mort ; ils ne se livrèrent point de bataille, mais ils se disputèrent le terrain pied à pied.

La flotte grecque, qui croisait dans l'Archipel, s'empara de plusieurs navires turcs sur les côtes d'Asie, et de quelques bâtiments de guerre en rade à Milo. Cette île, dont le bassin est un des plus spacieux et des plus sûrs de l'Archipel, ne compte que dix-huit cents habitants qui passaient pour aimer avant tout le repos. Toutefois, quand les Hydriotes se présentèrent avec leurs navires, les insulaires arborèrent avec enthousiasme l'étendard national, sans réfléchir qu'il courait les plus grands périls à rompre la neutralité. Une corvette à trois mâts, de vingt-deux canons, et deux bricks de guerre turcs, se trouvaient alors en désarmement dans la rade ; les Grecs s'en emparèrent. On ne fit point de quartier, et les insulaires mirent en pièces les Turcs qui étaient dans les villages voisins. Les ports des Hélène se remplissaient de marchandises et de provisions saisies sur les bâtiments turcs. Hydra, Ipsara et Spezzia se virent bientôt à même de fournir toute la nation de vivres par les prises de leurs croisières. Mais la barbarie des marins des îles profana la plus juste et la plus belle des causes. Les Hellènes égalèrent en cruauté leurs féroces ennemis ; le massacre des Turcs ne suffit point à leur vengeance ; les Hébreux d'Alexandrie, de l'Asie mineure, de Salonique, tombèrent victimes du sacrilège commis à Constantinople. Chaque fois que les Grecs faisaient expirer un juif au milieu des tortures, ils disaient : « voilà comme nous traitons les infâmes profanateurs du cadavre de notre patriarche. »

Un nouveau crime de de quelques Hellènes jeta sur la nation entière une couleur odieuse : un des navires de la croisière d'Ipsara s'empara, près de l'île de Chypre, d'un bateau chargé de vieillards turcs qui revenaient de la Mecque en pèlerinage. Étrangers à tout soupçon, ils se laissèrent aborder sans faire la moindre manœuvre pour se soustraire à la capture ; les insulaires, sautant tout à coup dans le bateau, massacrent huit ou dix personnes, font monter les autres à bord de leur navire, les accablent d'injures, leur proposent de baptême, et, sur le refus, les hachent en mille morceaux.

Les chefs des Hellènes et la majeure partie de la nation gémissaient sur ces atrocités, et les vengeances exercées par les Turcs sur les Grecs de l'Asie empêchèrent que les marins renouvelassent ces scènes sanglantes. Dans la suite, ils jetèrent sains et saufs, mais nus et sans vivres, les Ottomans dont ils s'emparèrent, sur les écueils ou sur les îles de l'Archipel. Ces infortunés n'échappaient point à la mort ; les habitants des îles où ils débarquaient, les mettaient en pièces. Dans cette déplorable circonstance, tous les agents français rivalisèrent de zèle pour sauver des familles de proscrits, que nos vaisseaux reportaient en Asie.

L'amour de la liberté apprit aux Hellènes à trouver dans les plus faibles ressources le moyen de faire de grandes choses. Les Ipsariotes, menacés d'une descente des Turcs, construisirent en peu de temps diverses fortifications ; les femmes, les enfants, les vieillards y travaillèrent sans relâche. Hydra et Spezzia imitèrent l'exemple d'Ipsara. Les Grecs d'Asie se réfugièrent par milliers dans cette ville dont ils épuisèrent les provisions. Ipsara, qui n'est qu'un rocher couvert de quelques pieds de terre végétale, n'a point de sources abondantes. Dans l'impossibilité où la révolution jetait les insulaires de tirer de l'eau de Scio et de Métélin, ils se virent obligés de boire de l'eau saumâtre des puits, et plusieurs épidémies ravagèrent l'île et se propagèrent sur la flotte. Toutefois les Ipsariotes ne cessèrent point d'exercer l'hospitalité. Les sénats décidèrent qu'à l'avenir toutes les îles de la coalition recevraient les Grecs d'Asie en proportion de leurs étendues et de leurs ressources. Cette sage mesure, en même temps qu'elle assurerait des secours aux réfugiés, les répartit sur tous les points de l'Archipel.

Dans les premiers moments de l'insurrection, les Grecs proscrits ne trouvèrent aucune protection parmi les puissances européennes. Les seuls agents de la France prirent en pitié ces malheureux, et les arrachèrent, autant qu'ils le purent, à la mort et à la misère. Un des agents de cette puissance, M. David, consul français à Smyrne, brava les glaives sanglants des Turcs pour sauver de leur rage leurs infortunés ennemis.

Les divers états de la ligue s'étaient d'abord réunis à Calamata pour y arrêter le plan de la première campagne ; dans cette assemblée, Hydra fut proclamée métropole de la ligue, et son sénat obtint le pas sur tous les autres. On choisit ensuite Argos pour y tenir une assemblée générale, et toutes les villes libres de la Morée, toutes les îles et tous les corps de l'armée y envoyèrent leurs représentants. Malheureusement il éclata des divisions parmi ces hommes qui s'occupaient davantage des propres intérêts de leurs commettants que de l'intérêt général de la Grèce ; ils se séparèrent avec aigreur et sans avoir pris de résolution propre à faire triompher la cause sacrée qui les rassemblait. L'armée des Péloponésiens continua ses opérations ; les flottes rentrèrent dans les ports d'où elles devaient bientôt sortir, et le sort de la Grèce demeura incertain. [/i]

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