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Voyage du jeune Anacharsis en Grèce, suite (5).

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[i] Hercule, Thésée, Pirithoüs, amis et rivaux généreux, déchaînés tous trois dans la carrière, ne respirant que les dangers et la victoire, faisait pâlir le crime et trembler l'innocence, fixaient alors les regards de la Grèce entière. Tantôt à la suite du premier, tantôt suivi du troisième, quelquefois se mêlant dans la foule des héros, Thésée était appelé à toutes les expéditions éclatantes. Il triompha, dit-on, des Amazones, et sur les bords du Thermodon en Asie, et dans les plaines de l'Attique ; il parut à la chasse de cet énorme sanglier de Calydon, contre lequel Méléagre, fils du roi de cette ville, rassembla les princes les plus courageux de son temps ; il se signala contre les centaures de Thessalie, ces hommes audacieux qui, s'étant exercés les premiers à combattre à cheval, avaient plus de moyens pour donner la mort et pour l'éviter.

Au milieu de tant d'actions glorieuses, mais inutiles au bonheur de son peuple, il résolut, avec Pirithoüs, d'enlever la princesse de Sparte et celle d'Épire, distinguées toutes deux par une beauté qui les rendit célèbres et malheureuses. L'une était cette Hélène dont les charmes firent depuis couler tant de sang et de pleurs ; l'autre était Proserpine, fille d'Aidonée roi des Molosses en Épire.

Ils trouvèrent Hélène exécutant une danse dans le temple de Diane ; et, l'ayant arrachée du milieu de ses compagnes, ils se dérobèrent, par la fuite, au châtiment qui le menaçait à Lacédémone, et qui les attendait en Épire : car Aidonée, instruit de leurs desseins, livra Pirithoüs à des dogues affreux qui le dévorèrent, et précipita Thésée dans les horreurs d'une prison dont il ne fut délivré que par les soins officieux d'Hercule.

De retour dans ses États, il trouva sa famille couverte d'opprobres, et la ville déchirée par des factions. La reine, cette Phèdre dont le nom retentit souvent sur le théâtre d'Athènes, avait conçu pour Hippolyte, qu'il avait eu d'Antiope, reine des Amazones, un amour qu'elle condamnait, dont le jeune prince avait horreur, et qui causa bientôt la perte de l'un et de l'autre. Dans le même temps les Pallantides, à la tête des principaux citoyens, cherchaient à s'emparer du pouvoir souverain, qu'ils l'accusaient d'avoir affaibli : le peuple avait perdu, dans l'exercice de l'autorité, l'amour de l'ordre et le sentiment de la reconnaissance. Il venait d'être aigri par la présence et par les plaintes de Castor et de Pollux, frères d'Hélène, qui, avant de la retirer des mains auxquelles Thésée l'avait confiée avaient ravagé l'Attique, et excité des murmures contre un roi qui sacrifiait tout à ses passions, et abandonnait le soin de son empire pour aller au loin tenter des aventures ignominieuses, et en expier la honte dans les fers.

Thésée chercha vainement à dissiper de si funestes impressions. On lui faisait un crime de son absence, de ses exploits, de ses malheurs ; et quand il voulut employer la force, il apprit que rien n'est si faible qu'un souverain avili aux yeux de ses sujets.

Dans cette extrémité, ayant prononcé des imprécations contre les Athéniens, il se réfugia auprès du roi Lycomède, dans l'île de Scyros : il y périt quelque temps après, ou par les suites d'un accident, ou par la trahison de Lycomède, attentif à ménager l'amitié de Mnesthée, successeur de Thésée.

Ses actions et l'impression qu'elles firent sur les esprits, pendant sa jeunesse, au commencement de son règne et à la fin de ses jours, nous l'offrent successivement sous l'image d'un héros, d'un roi, d'un aventurier ; et suivant ces rapports différents, il mérita l'admiration, l'amour et le mépris des Athéniens.

Ils ont depuis oublié ses égarements, et rougis de leur révolte. Cimon, fils de Miltiade, transporta, par ordre de l'oracle, ses ossements dans les murs d'Athènes. On construisit sur son tombeau un temple embelli par les arts, et devenu l'asile des malheureux. Divers monuments le retracent à nos yeux, ou rappellent le souvenir de son règne. C'est un des génies qui président aux jours de chaque mois, un des héros qui sont honorés par des fêtes et par des sacrifices. Athènes, enfin, le regarde comme le premier auteur de sa puissance, et se nomme avec orgueil la ville de Thésée.

La colère des dieux, qui l'avaient banni de ces États, s'appesantissait depuis longtemps sur le royaume de Thèbes. Cadmus, chassé du trône qu'il avait élevé, Polydore, déchiré par des bacchantes, Labdacus, enlevé par une mort prématurée, et ne laissant qu'un fils au berceau, et entouré d'ennemis : tel avait été, depuis son origine, le sort de la famille royale, lorsque Laïus, fils et successeur de Labdacus, après avoir perdu et recouvré deux fois la couronne, épousa Épicaste ou Jocaste, fille de Ménœcée.

C'est à cet hymen qu'était réservées les plus affreuses calamités. L'enfant qui en naîtra, disait un oracle, serait meurtrier de son père, et l'époux de sa mère. Ce fils naquit, et les auteurs de ces jours le condamnèrent à devenir la proie des bêtes féroces. Ses cris, ou le hasard, le firent découvrir dans un endroit solitaire. Il fut présenté à la reine de Corinthe, qui l'éleva dans sa cour sous le nom d'Oedipe, et comme son fils adoptif.

Au sortir de l'enfance, instruit les dangers qu'il avait courus, il consulta les dieux ; et leurs ministres ayant confirmé, par leur réponse, l'oracle qui avait précédé sa naissance, il fut entraîné dans le malheur qu'il voulait éviter. Résolu de ne plus retourner à Corinthe, qu'il regardait comme sa patrie, il prit le chemin de la Phocide, et rencontra dans un sentier un vieillard qui lui prescrivit avec hauteur de laisser le passage libre, et voulut l'y contraindre par la force. C'était Laïus : Œdipe se précipita sur lui, et le fit périr sous ses coups.

Après ce funeste accident, le royaume de Thèbes et la main de Jocaste furent promis à celui qui délivrerait les Thébains des maux dont ils étaient affligés. Sphinge, fille naturelle de Laïus, s'étant associée à des brigands, ravageait la plaine, arrêtait les voyageurs par des questions captieuses, et les égarait dans les détours du mont Phinée, pour les livrer à ses perfides compagnons. Œdipe démêla ses pièges, dissipa les complices de ses crimes ; et, en recueillant le fruit de sa victoire, il remplit l'oracle dans toute son étendue.

L'inceste triomphait sur la terre, mais le ciel se hâta d'en arrêter le cours. Des lumières odieuses vinrent effrayer les deux époux. Jocaste termina ses infortunes par une mort violente. Œdipe, à ce que rapportent quelques auteurs, s'arracha les yeux, et mourut dans l'Attique, où Thésée lui avait accordé un asile. Mais, suivant d'autres traditions, il fut condamné à supporter la lumière du jour, pour voir encore des lieux témoins de ses forfaits ; et la vie pour la donner à des enfants plus coupables et aussi malheureux que lui. C'étaient Étéocle, Polynice, Antigone, et Ismène, qu'il eut d'Euriganée, sa seconde femme. (à suivre) [/i]

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