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A propos du 17 décembre 2004, "Voter oui pour mieux dire non", article du Figaro. 11 mai 2005

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Contre l'entrée de la Turquie dans l'Union

[center][b][u]Voter oui pour mieux dire non[/u][/b][/center]

Le 17 décembre 2004, les chefs d'Etat de l'Union européenne ont décidé de l'ouverture des négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Bien que ce processus de négociation soit long puisqu'une période minimale de dix ans est évoquée et que son aboutissement n'en soit pas garanti à l'avance, nous sommes nombreux en France et en Europe à éprouver de l'exaspération à l'idée même de l'ouverture de ces négociations. Notre réticence est d'autant plus forte que le gouvernement turc rejette toute autre possibilité que celle d'une adhésion pleine et entière à l'Union européenne et que le premier ministre turc, M. Erdogan, n'a pas hésité à se répandre en menaces et exigences sur les plateaux de télévision à la veille du sommet des chefs d'Etats européens. Un bel exemple de négociation.

L'Union européenne a aujourd'hui un projet politique incompatible avec l'adhésion de la Turquie. La Constitution proposée au référendum fixe des valeurs communes à l'Union européenne et affirme l'existence d'une citoyenneté européenne: la charte des droits fondamentaux et celle de l'environnement sont officiellement inscrites pour la première fois dans un traité constitutionnel et prennent donc force juridique. Elle fixe les droits des citoyens européens dans les domaines civil, social, politique et environnemental. Comment pourrions nous alors intégrer dans notre projet politique européen un Etat turc dont le premier ministre actuel a déclaré: «Les minarets sont nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées nos casernes et les croyants nos soldats»?

La Constitution définit également un projet politique. Elle positionne l'Europe sur la scène internationale comme une puissance de paix et d'équilibre, avec une politique extérieure, une sécurité et une défense communes. Intégrer la Turquie créerait un choc budgétaire qui mettrait en péril cette nouvelle Europe: selon une étude de la Commission, le coût de l'intégration turque aujourd'hui équivaudrait au quart du budget annuel de l'Union (120 milliards d'euros pour 2004). L'entrée de la Turquie, dont la richesse par habitant est quatre fois plus faible que celle de l'Union élargie, ferait perdre «leurs droits à subsides» à une douzaine de régions des dix nouveaux pays, devenues statistiquement «trop riches». C'est pourquoi il nous paraît prévisible que, une fois unis autour de la Constitution, de nombreux Etats ne verront certainement pas d'un bon œil l'adhésion «budgétivore» de la Turquie.

Nous pensons que l'on n'a pas mesuré à quel point la Constitution pouvait constituer le meilleur des remparts contre l'hypothèse de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. De plus, la révision de la Constitution française va rendre obligatoire l'organisation d'un référendum pour tout élargissement de l'Union européenne à des Etats pour lesquels l'ouverture des négociations d'adhésion aura été décidée après le 1er juillet 2004. Donc, les Français auront le dernier mot sur la Turquie: si une majorité de Français ne le souhaite pas, la Turquie n'adhérera pas à l'Union européenne, même s'il n'y a que la France pour refuser cette adhésion (article 58 du projet de Constitution européenne).

Néanmoins, refuser l'adhésion de la Turquie à l'Union, ce n'est pas lui tourner le dos. Le rôle de la Turquie au XXIe siècle n'est il pas, en conservant son identité, d'assumer sa place particulière liée à l'histoire de cet Etat d'Asie Mineure et qui est susceptible désormais d'assurer une interface de paix, d'échanges et de stabilité avec le Proche Orient et l'Asie? La Turquie peut devenir le pôle fédérateur des peuples turcophones de l'Asie, de ceux du Caucase et de ceux du Moyen Orient. Là encore, le projet de Constitution européenne (l'article 57) nous apporte une solution en créant un statut spécial destiné aux pays qui jouxtent l'Europe, mais qui sont au delà de ses frontières, tels que la Turquie: le statut de partenaire privilégié. De cette manière, nous affirmons des frontières géographiquement cohérentes pour l'Europe, tout en créant les conditions de la paix et du développement avec les pays qui sont au delà.

Ainsi, rejeter le projet de Constitution, en votant non, nous priverait de nos meilleurs atouts pour refuser l'adhésion de la Turquie à l'Union. A contrario, en votant oui, nous nous dotons d'un projet politique incompatible avec l'adhésion de la Turquie. En plus des autres arguments mobilisés en faveur du vote de la Constitution, tels que le désir de se doter d'une Europe qui aura les moyens d'être une puissance politique, mais sera aussi plus protectrice et porteuse d'espoir, ou encore la volonté d'agir pour l'avenir et la jeunesse de notre pays, c'est bien notre hostilité à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne qui, la première, fait que, pour le référendum, notre réponse sera résolument oui.

Le président et les membres du groupe de travail «le Oui pour le Non», les députés: Richard Maille, Marc Bernier, Gabriel Biancheri, Jean Marie Binetruy, Ghislain Bray, Roland Chassain, Charles Cova, Bernard Depierre, Jean Jacques Descamps, Georges Fenech, Bruno Gilles, Maurice Giro, Claude Goasguen, François Grosdidier, Dominique Le Mener, Dominique Paille, Christian Philip, Michel Raison, Eric Raoult, Jacques Remiller, François Rochebloine, André Santini, Guy Teissier, Léon Vachet, Philippe Vitel. [/i]

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