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Observations sur les Grecs, par Gabriel de Mably (2)

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Submitted by Th. Efthymiou on

L' histoire garde un profond silence sur cette seconde situation des grecs, où chacun de leurs hameaux formoit une société indépendante ; elle est du moins si mêlée de merveilleux, qu' on ne peut y donner aucune croyance. La Grece fit enfin une entreprise en commun, c' est le siége de Troye. Ce qu' on peut récueillir d' Homere, c' est que ces différens peuples croyoient avoir une origine commune ; qu' ils entendoient peu la guerre, mais qu' ils avoient fait des progrès plus considérables dans la science du droit des gens et du gouvernement, quoique leurs moeurs fussent encore extrèmement barbares.
Au retour de l' expédition de Troye, la Grece éprouva différentes révolutions. La guerre y fit périr plusieurs peuples, on les exila de ce qu' ils commençoient nommer leur patrie. C' est ainsi que les béotiens chassés d' Arne par les thessaliens, s' établirent dans la Cadméide, à laquelle ils donnerent leur nom. Le Péloponese changea de face par le rappel des héraclides ; les peuples de cette province vaincus ou éffrayés, abandonnerent leur pays ; et ces hommes qui n' avoient pû défendre leurs possessions, furent assez forts ou assez braves pour en conquérir de nouvelles. La Grece se trouva pleine de peuples errans qui vouloient se conquérir un asyle, et ne pouvoient subsister que par le pillage. La guerre en les détruisant, rétablit quelque apparence d' ordre : mais elle avoit multiplié les causes d' inimitié entre les grecs et les avoit accoûtumés à n' écouter que leur emportement, et à saisir le plus léger prétexte pour butiner sur les terres de leurs voisins.
Plus les suites de ces dissentions étoient fâcheuses, plus la Grece sentoit le poids de la barbarie où elle se replongoit. Ses peuples ne s' armant point encore par des motifs d' ambition, il étoit impossible qu' ils ne se lassassent pas des maux que leur faisoit la guerre. Les villes s' accoûtumerent donc à traiter ensemble ; leur intérêt leur apprit à être justes ; on commença à cultiver ses héritages avec moins de trouble, et plus une tranquilité passagere fit connoître le prix d' une paix durable, plus on étudia les moyens de l' affermir.
Mais de soldats étant devenus citoyens, les grecs eurent de nouveaux besoins et de nouveaux intérêts, ils sentirent l' insuffisance de leurs anciennes institutions ; il fallut faire de nouvelles lois, et ce changement de condition devoit leur faire éprouver des révolutions domestiques. C' est en effet dans ces circonstances, que les rois, dont l' autorité avoit été fort étendue à la tête de leur armée, se trouvant réduits par la paix aux fonctions d' une simple magistrature, abuserent de leur crédit pour agrandir leur pouvoir, et tenterent de dépouiller le peuple de ses principales prérogatives, pour changer leur qualité de ministre des lois, en celle de legislateur. L' ambition unie à la rusticité des moeurs, n' avoit point encore trouvé le secret de se déguiser avec adresse, d' emprunter le masque de la modération, et de marcher à son but par des routes détournées ; jamais cependant elle n' avoit eu besoin de plus d' art. Elle soûleva des hommes pauvres, courageux, et dont la fierté n' étoit point émoussée par cette foule de besoins et de passions qui asservirent leurs descendans.

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